Jeudi dernier en début d’après-midi, comme je marchais sur l’esplanade de la BnF pour rejoindre la table ronde qui nous attendait, spécialistes de l’autobiographie, de la conservation ou du suivi des traces et blogueuses difficiles à suivre, le rêve de la nuit passée m’est revenu en conscience.
Je marchais rigoureusement sur les lattes, ayant choisi de me tenir à mon axe de traverse le plus longtemps possible pour, abordant l’esplanade par l’Ouest, me glisser dans les entrailles de la bibliothèque par le soupirail Est. Deux pas sur une latte puis trois sur la suivante, le troisième légèrement freiné pour ne pas mordre sur le raccord, et l’oreille attentive à la résonnance du vide qu’on devine sous le revêtement du bois rare (revêtu lui même d’un complexe réseau de bandelettes antidérapantes et autres reliefs signifiants).

Je portais mes chaussures noires les plus récentes, achetées quelques jours avant mon faux départ à Dublin (un projet de voyage réduit en cendres) en pensant qu’elles résisteraient mieux à la pluie irlandaise que ma vieille paire spongieuse. Chaussures que je ne porte encore que rarement : je les trouve belles et ne veux pas les abîmer trop vite. Donc je marchais écoutant mes pas et contemplative de leur élégance, quand le rêve m’a rattrapée.

Mes chaussures noires en étaient l’objet. Dans le rêve comme dans la réalité, aussitôt qu’achetées, je les avais portées chez le cordonnier à l’ancienne (ni duplicateur de clefs, ni plastificateur de documents précieux entre deux ressemelages) à échoppe proche de la gare pour qu’il en protège la semelle – exceptionnellement pas en crêpe caoutchouteux et rebondissant comme celles de mes souliers habituels.

Mais mon souci dans le rêve était de trouver après cela un deuxième cordonnier que je puisse convaincre de superposer à la première une seconde épaisseur de revêtement protecteur. Je ne voulais pas vexer le premier en lui demandant à lui de coller cette deuxième couche – il aurait pu en déduire que je n’étais pas contente de sa première intervention – mais tous ceux à qui je demandais ce service estimaient que le travail avait été bien fait et refusaient. Je cherchais donc un cordonnier moins respectueux de ses collègues ; quête d’autant plus désespérée que je ne comptais pas me contenter de deux épaisseurs…
Et avançant sur l’esplanade, je m’interrogeais sur cette idée fixe du rêve, m’isoler le plus possible du sol, alors l’histoire de la princesse au petit pois m’est revenue avec l’incrédulité absolue qu’elle suscitait en moi quand j’étais petite. La crainte du gravier sensible sous ma semelle substituée à celle du petit pois sous les 20 matelas. Aussi irrationnelle.

NB : Les petits pois sont une des spécialités de la ville dans laquelle j’habite et si leur culture a cessé on continue à les fêter chaque année en juin.



J’ai choisi l’extrait des pages 63-64 parce que le Café du Commerce qui ferme à Clouange m’évoque le Café du Courrier, fermé, que j’ai photographié à Saint-Claude cette semaine et les questions qui ne peuvent manquer de surgir devant sa devanture blanchie. Ce qu’ils sont devenus ceux qui ont eu, un temps, plaisir à se retrouver là. Et ce qui fonde le désenchantement des patrons de café, de Clouange à Saint-Claude, occultant leurs vitres les uns après les autres.
à cause de ce coin de vitrine résolument industrieuse, qui rapprochait les grands livres d’













