L'employée aux écritures

le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735

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"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux

“Causement” de Jean-Loup Trassard : mon abécédaire

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Je sais bien ce qu’ils veulent dire, je ne les avais jamais lus, je n’aurais pas su les écrire, mais je les entends bien ces mots du Causement mayennais – la Mayenne et l’Orne se touchent – dont Jean-Loup Trassard dresse catalogue en éclairant leur sens et leur cheminement du fond des âges, du fond des terres, dans son livre paru cet automne au Temps qu’il fait.

Beau livre évidemment comme toujours ceux de cet éditeur : le lexique s’accompagne de photographies par l’auteur d’outils et d’objets de tous les jours, de ceux qui l’entourent.

J’aime les mots de Jean-Loup Trassard livrant, en ouverture du livre, une brève autobiographie linguistique. Petit extrait :

J’avais l’impression, en mâchant ces mots-là, de produire des sons qui furent mêlés à la terre quand s’inscrivaient les premières ornières ou qu’étaient taillés les premiers champs puis, plus tard, finie la vaine pâture, élevés et battus à la pelle les talus de nos haies.

Là se rencontrent, en effet, et côtoient, parmi charrois, cultures, défrichements à la hache, à la houe, les racines gauloises et latines, graines semées entre les bruits de sabots et d’écuelles dans l’oreille des enfants, moisson par la génération suivante à la bouche de ses père et mère, patois issu du patois, soupirs, silences qui en disent long.

A la suite de son répertoire poétique, Jean-Loup Trassard ajoute quelques pages de géo-linguistique mayennaise. Moi je me fraye abécédaire dans le catalogue des mots, j’en choisis des bien à mon oreille, portés encore par des voix familières même si elles se sont tues.

Je ne donne pas les significations, juste quelques indices, et vous renvoie au livre pour en savoir plus.

Achée, substantif féminin : les poules et les pêcheurs se les disputent

Arocher, verbe : se pratique en discipline olympique

Berouette, substantif féminin : trop facile, je n’aide pas

Claver, verbe : assez facile aussi, mais à l’oreille j’aurais écrit “quieuver”

Cotir, verbe : attention à vous

Emeuiller, verbe : très présent dans ma langue maternelle et, telle mère telle fille,  je m’émeuille assez souvent

Frembeyer, verbe :  du boulot dans l’étable

Guibet, substantif masculin : désagréable au cycliste

Juper, verbe : moins fort !

Micer, verbe : petit, petit, petit

Mucer (se), verbe : mais où ?

Rote, substantif féminin : interdit aux poids lourds

Seuyer, verbe : nécessite un outil

Touser, verbe : bien dégagé

(Et le correcteur orthographique automatique de ne plus savoir où donner de la tête !)

Jean-Loup Trassard a un site (je crois que c’est son fils le webmaster) où l’on voit de belles photos. On peut lire aussi ce que j’avais écrit de sa Conversation avec le taupier et de Sanzaki.

Filed under coin lecture

Travailler en plein air

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Prendre un pot au bureau, c’est du déjà vu, prendre un pot pour en faire son bureau, c’est nouveau.

Le power point rafistolé juste avant la réunion a encore frappé. Et celui-là, non content d’en formater, écrase quelques pensées.

Le marchand qui ne manque pas d’air

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Des coups d’épingle, un jour, aboliront  son commerce plus sûrement qu’un coup de dé le hasard.

Un souvenir de Williamsburg

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Marchant vers un flea market ce samedi matin d’octobre, juste avant l’ouragan, tomber en arrêt devant le plus harmonieux alignement de pots de fleurs qui se puisse concevoir, insolemment insoucieux des grillages cadenassés et autres injonctions à ne pas stationner. Les dépassant même de plusieurs têtes.

Y repenser parfois depuis. Ce qu’il en en advint du bel alignement ? Si les pots et leurs coupelles avaient été rentrés à temps ? Moi de l’autre côté de l’East River j’avais reçu des instructions – débarrasser les rebords de fenêtres et les balcons –  laissées bien en évidence pour mon successeur dans l’appartement de Washington Square Village.

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Montparnasse monde fluorescent

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Certains choix des designers-aménageurs de la gare, je ne les partage pas. Ainsi du pouf orange fluo à lumière d’intensité variable (il doit y avoir un rhéostat dans le circuit si je me souviens bien de mes cours de physique de Première) sur lequel il convient de s’asseoir dans la cabine photo-maton niveau quai au droit des voies transiliennes 15 16. Cabine que, soit dit en passante, je n’aurais jamais installée ici, en coeur de flux : comment poser sereinement dans ce brouhaha ? Le bout de rideau plissé, aussi opacifiant qu’il soit, ne saurait assurer une isolation phonique et mentale suffisante (quand bien même il ne lui manquerait aucun anneau d’accroche comme trop souvent à ceux des douches). Je me demande en outre si, séant en déséquilibre forcément – pas besoin d’aller chercher le niveau à bulles pour constater que l’assise du pouf n’est pas horizontale  -  sur ce siège non réglable en hauteur rescapé des seventies, les traits des visages tendus, trop, vers l’objectif ont la moindre chance d’être conformes aux documents officiels. C’est pourtant ce qu’ils prétendent.

Et aujourd’hui la gare est aussi présente quand on Tourne-à-gauche chez Dominique Hasselmann

.

Filed under Montparnasse monde

Travail cendre et fumée

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Le billet récent d’Emmanuel Delabranche sur son très beau site à peine perdu(e) m’y fait penser : à la maison aussi nous avons un de ces cendriers que les entreprises offraient à leurs meilleurs clients et autres relations avec lesquelles il comptait sonnant et trébuchant d’entretenir amitié, à l’époque où l’on faisait encore ses affaires en fumant.

Il y a longtemps : c‘était le travail, écrit bien Emmanuel. Son cendrier vante les Ateliers et Chantiers de la Basse-Seine Lozai, le mien les Houillères du Bassin de Lorraine. C’est dire si, comme je lui avais répondu sur Twitter, ce travail là est bel et bien parti en fumées.

Je ne sais pas si le cendrier de la Basse-Seine sortait d’une faïencerie rouennaise mais celui des Houillères de Lorraine était produit on ne peut plus localement : le travail des uns donnait du travail aux autres.

(Et écrivant ce billet je me souviens du film de Jason Reitman Thank you for smoking : une toute autre mise en équation du travail et de la fumée qui ne manque pas de panache)

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Croissant de lune comme clin d’oeil à la ville

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C’est hier matin le brouillard qui cachait à la vue la moitié de la tour repère du Montparnasse monde – où ils n’ont toujours pas changé les ampoules des deux “s” du fronton de la gare – qui me ramène vers cette photo faite en octobre dernier lors de mon heureux séjour d’un mois à l’Institut Remarque, NYU, sur lequel se greffait une belle échappée ferroviaire montréalaise à bord de l’Adirondack.

Question à traiter toutes affaires cessantes

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Quand un moteur de recherche m’envoie l’internaute en quête de bouée de sauvetage, mode d’emploi, je ne tergiverse pas : je réponds illico et même en images parce que dans ces moments-là il s’agit d’être clair – tout le reste (et pourquoi on me pose une question pareille) n’est que littérature.

Donc premièrement,

Deuxièmement,

Troisièmement

Enfin, pensez au suivant , raccrochez la bouée.

Montparnasse monde rancunier

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Je le déserte pendant un mois (pour être honnête, où j’étais pendant ce temps-là, il m’est un peu sorti de la tête) et à mon retour qu’est-ce que je vois ? Le fronton qui me nargue.

Avec ses deux lettres éteintes et pas des muettes, soit une extinction extrêmement préjudiciable à la compréhension du texte.

Et deux autres, brouillées à mort, penchant chacune résolument de son côté.

Il faut dire que quand je n’étais pas là, je n’ai envoyé de lettres à personne. Visiblement la gare en a pris ombrage.

Moi qui avais un jour écrit

corps solide au fronton, jamais de lettre à terre, ni décrochée ballant dans le vide, ni même éteinte

de quoi j’ai l’air ?

(Outre une série sur ce blogMontparnasse monde est un livre paru l’année dernière aux éditions Le temps qu’il fait.)


Filed under Montparnasse monde

Pour saluer Maryse

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On aspirera très fort le parfum des tilleuls les soirs de juin

on ne perdra pas une note de mésange quand quelqu’une zinzinulera à portée d’oreilles

on caressera tous les chats roux sur nos chemins

et surtout, surtout, on  la lira et la relira, reliée ou pas.

Maryse Hache était mon invitée du premier vendredi d’octobre et je n’imaginais pas, comme nos échanges transatlantiques par e-mails pour ajuster nos textes étaient vifs et gais qu’elle puisse être si proche du fin mot de son histoire alors qu’elle ouvrait ici cette page nouvelle de son lirécrire.

Aujourd’hui je republie ci-dessous son texte et la présentation qu’elle en faisait, en hommage et avec infinie gratitude pour le don ultime de  ces lettres intimes juste entrouvertes.

depuis un moment vagabonde en moi un chantier rêvé d’écriture autour des correspondances de mon père, (échangées avec ma mère, ils venaient de se fiancer)  pendant ses presque six ans de captivité dans un camp en silésie orientale

je choisis, avec l’accord bienveillant, de martine sonnet, et à l’occasion de ce premier vase avec elle, d’ouvrir ce chantier en ses terres et sous son égide

gratitude

que l’écriture aille son chemin

.

pour l’instant ça s’appelle (emprise)

(essaierai de trouver le “e” majuscule particulier à son écriture)

terme qui fera vignette de ce chantier au semenoir

ce mot, je l’ai trouvé écrit manuscrit sur un petit bout de papier esseulé dans ses affaires

on peut lire, écriture inversée typographique, dans le coin supérieur droit, une fin de mot : “…ons” peut-être une terminaison de verbe conjugué, et “inutiles”

énigme

la force émotive et éveillante du mot manuscrit, soudain offerte à nouveau à ma lecture, marque de la main, gestuelle de l’écriture, forme des doigts, des ongles, alliance et bague, est plus forte pour moi qu’une photo

plus dynamique


.

il  ne se doute de rien

sa blondeur sa jeunesse répondent à l’appel du service militaire

pour l’instant cavalier 2° escadron 29 novembre 1939 à st germain-en-laye

il a 21 ans

ne se doute de rien

.

.

sauf

ses yeux bleus ont déjà croisé les yeux marron de geneviève

elle a 27 ans

train ligne denfert-rochereau direction seine et oise

lui monte ou descend station orsay il habite chez ses parents

il travaille chez ses parents paris 14°

elle monte ou descend à deux stations de différence, c’est lozère

elle habite chez sa tante c’est plus prudent en ces temps incertains

elle travaille à paris

horaires réguliers du train

ils y sont souvent ensemble se voient se regardent

et c’en est fait d’eux

“je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue”

.

il a fumé quelques unes de “leurs” cigarettes

“les cigarettes sont épatantes”

.

.

“… vous remercier de votre aimable attention”

“Je vous écrirai plus longuement dans quelques jours”

.

.

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