
C’est une tradition locale dont je ne sais pas si elle se rencontre ailleurs, mais à Céaucé (Orne), deux fois par an, le jour de la Saint-Ernier, célébré arbitrairement le deuxième dimanche d’août, et le dimanche de Pentecôte – soient les deux jours de fêtes au village- les réjouissances commencent par le petit déjeuner aux tripes servi à 9 heures dans les cafés du bourg. Des cafés, il y en a eu pas loin d’une dizaine, il en reste trois (dont un tenu par des sujets de sa Grâcieuse Majesté) qui s’appellent La Victoire, Le Marché et Le Relais de l’Etape – une appellation que j’ai toujours trouvée redondante.
Donc dimanche 10 août à 9 heures, on verra converger de toutes parts vers les troquets des grappes de bonshommes allant ensemble aux tripes. La pratique n’est pas très féminisée, bien que rien ne s’y oppose et qu’on puisse toujours se faire servir un bifteak comme alternative – donc aller aux tripes sans manger de tripes, mais “le charme n’est pas le même” dixit les amateurs. Personnellement, si à midi je n’ai rien, par principe, contre les abats (encore que certaines cervelles crues…), au saut du lit j’aime mieux plus léger.
Quand il séjournait là-bas ces jours de fêtes, Amand Sonnet ne manquait pas de sacrifier à la coutume de la portion de tripes au matin, complétée d’un huitième de camembert, d’un fruit au choix et d’une bouteille de muscadet, à moins que l’on préfère du rouge. Il s’y rendait avec voisins, amis et éventuellement un gendre téméraire de l’estomac, ou deux**, de quoi composer une sympathique tablée – mais de toutes façons aux tripes, toutes les tablées parlent ensemble. Les hommes qui vont aux tripes ne font pas grand chose d’autre de la journée, c’est assez fatigant.
Après la mort du forgeron, donc depuis 1986, les gendres, accompagnés éventuellement de quelques petits-fils ont, le plus souvent pour la Saint-Ernier, maintenu la tradition, pour 10 euros, café compris en 2007. Mais cette année, le coeur n’y est pas trop, aucun n’a vraiment envie et j’ai bien peur même d’être la seule partante pour le feu d’artifice du soir, au plan d’eau, quand la nuit sera tombée. Moi j’aime bien les feux d’artifice, c’est comme ça, même si les fistons ont passé l’âge de parader portant lampions dans la retraite aux flambeaux.
* on ne peut pas faire de liens dans les titres, donc je place en note de bas de page celui qui se cacherait derrière les mirabelles.
** puisque j’ai commencé les notes en bas de page, je continue : je ne crois pas que mon frère soit amateur de tripes, mais je vérifierai (et corrigerai éventuellement) lundi quand je le verrai.