L'employée aux écritures

le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735

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"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux

Montparnasse Monde 25

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Rêve de gare, un peu fou et bien au dessus de mes moyens, caressé depuis longtemps : une nuit, j’irais dormir au coeur du monde Montparnasse, en touriste, dans un des deux hôtels triple étoilés collés au plus près de la gare. Sous son emprise. Y arriver à la nuit tombée et le lendemain, franchissant nez en l’air et à nous deux Paris, la porte à tambour, savoir enfin ce qu’elle inspire comme pensée la première vraie gorgée d’air parisienne aspirée (comme il a pu m’arriver de le faire à Rome, à Lisbonne, à Vienne, à Madrid, à Bruxelles, à Londres ou à Copenhague). Deux seuls hôtels de Montparnasse dont les enseignes lumineuses accompagnent un temps ceux qui s’en retournent, assis sens contraire à la marche, vers leurs cités-dortoirs de banlieue ou lotissements bitumés des confins de la grande couronne. NOVOTEL Accor Hôtels au bleu si beau tranchant la nuit des voies, côté Vaugirard des Intercités, et HOTEL CONCORDE MONTPARNASSE, façade circulaire, côté Pasteur des TGV. Hôtels aux arrières cours, par où transitent les chariots de linge sale et les containers-poubelles,  jouxtant les accès de services de la gare, sur ses arrières. Des accès, qu’on préférerait ne pas trop offrir aux regards, mais nécessaires au bon fonctionnement des hôtels comme de la gare et au confort des voyageurs, dans les deux cas.

 

 

Extension de la gare : jusqu’à la S. I. de la Gare, petite plaque sur mur en briques, à côté de la porte d’entrée, chambres tout confort à la semaine et au mois, tarifs sur papier scotché, illisibles du train, bien sûr. En gare de Vanves-Malakoff, quand on roule en direction de Sèvres rive gauche, le wagon de tête arrêté invariablement à sa hauteur : c’est le crocodile qui veut ça (je sais depuis longtemps ce qu’est un crocodile sur une voie). Cinq fenêtres par étage, une chambre par fenêtre, trois étages, 15 chambres au moins dans l’hôtel, pour ce que l’on en voit. Côté trains, vie des habitants qui déborde un peu par les fenêtres. Posés sur les rebords, régulièrement, des paires de chaussures de sport, grandes pointures, et l’hiver des provisions : sacs plastiques avec oranges, bananes ou pommes, briques de lait, packs de yaourts. Mais une seule fois, un poulet sous cellophane. Une des chambres du premier étage a longtemps été occupée par celui que j’appelais, mais seulement en moi-même, « l’homme que sa femme aime ». Elle debout dans l’ombre, on ne voyait que ses mains, posée sur ses épaules à lui découpées du maillot échancré, toujours assis à une table, immobile. On supposait face à un poste de télévision.

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Questions de février

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L’employée aux écritures n’aura jamais réponse à tout, mais veut bien faire encore un effort. Pour n’avoir compté que 28 jours, février n’en a pas moins été pourvoyeur de questions intéressantes confiées aux bons soins de moteurs de recherche (qui ont cru malin de les diriger chez moi).

Dire d’abord ma fierté qu’un internaute se soit adressé à moi dans la belle langue de Cervantès, avec ce qu’il faut de points d’interrogation dans tous les sens, et que mes restes de LV2 m’aient permis de comprendre sa question : ¿Quien es Bertrand de Olerón? à laquelle je me crois en mesure de répondre quelque chose comme :  ”no puedo decir, no lo conozco”. 

A qui pense qu’“on s’amuse dans les p’tits patelins” je répondrai : gardez-vous de toute généralisation hâtive, vous avez peut-être eu seulement la chance d’en traverser un le jour de sa fête patronale.

Abcisse ordonnée je m’en souviens jamais : creusez-vous un peu les méninges pour trouver un procédé mnémotechnique – c’est toujours ce que je fais dans ces cas-là et, par exemple, pour babord/tribord  et adret/ubac j’en ai trouvé qui fonctionnent très bien.

Par ailleurs, que le naïf qui compte sur moi pour le faire profiter de quelques astuces pour faire un sonnet se mette également au boulot lui même ou renonce à la poésie – ce qui serait sans doute la meilleure solution pour les anthologies à venir.

J’invite l’internaute en quête d’un écureuil roux qui dort et celui s’interrogeant sur la plus grosse fourmi du monde à se rapprocher, ils pourraient avoir des choses à se dire. Pour l’écureuil, je suis arrivée trop tard, il était réveillé et déjà parti d’un bon pied.

Je fais remarquer à qui la cherche que  je ne peux pas sortir de mon i-photo habituel une vue ouest-est de la fontaine du potager sans en savoir plus sur la fontaine et sur le potager et que la proximité qu’on en déduit de l’une avec l’autre ne suffit en aucun cas à les localiser ;  je m’y connais très mal en GPS – n’en ayant pas encore équipé mon vélo – mais je ne crois pas qu’ils me contrediraient.

Bien qu’employée aux écritures, je ne suis pas du tout intéressée par la réalisation d’une étude de marché, même quand il s’agit d’un stylo-plume : il y a belle lurette que je préfère écrire directement sur mon clavier, même si je m’étais acheté mon stylo plume homonyme quand celui-ci était apparu sur le marché (suite à une étude de, bien faite, au moins dans ma famille, côté paternel).

La vie d’un jardin de banlieue, que vous en dire ? L’écureuil roux dort et la plus grosse fourmi du monde s’est mise au régime : vous voyez, il ne s’y passe pas grand chose.

Que serait un monde sans livres ? En attendant que l’Angleterre rejoigne la zone euro et que les kilos de cerises cessent de se partager en deux moitiés égales, c’est très difficile à imaginer, pour la dissert, choisissez l’autre sujet.

Montparnasse Monde 24

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Dans ma gare, j’ai l’air de quoi ? Parce que l’air qu’on y respire, il faut bien aller le chercher : la gueule ouverte des quais rejetée très loin au bout de la dalle, les issues latérales si distantes et les portes automatiques, quand elles veulent bien s’ouvrir, qui en aspirent tellement peu. Juste quelques bouffées insuffisantes à nos échanges gazeux vitaux, oxygène contre gaz carbonique, à nous tous, dedans. Des litres et des litres qu’il en faut. Alors, au passage, prendre un bol d’air au débouché des escalators en façade, niveau quais, fracture horizontale de la verrière, cachée à l’envers des grandes belles lettres du nom de la gare. Se pencher à la rambarde comme ceux qui regardent évoluer les patineurs et aspirer expirer au travers des minces filins tendus à plat sur le vide, trop lâches pour filtrer l’air du parvis. Plus avant vers les trains, se gorger de celui prélevé au jardin par des ouïes discrètes souvent grillagées. Exercice de gare : apprendre à les localiser, vues du dessous, vues du dessus, en dresser la cartographie.  Souffle à prendre aussi à la longue fente au dessus de la voie 1, au ciel ouvert festonné au dessus de la 24, ou encore aux belles échancrures du voilage “plein jour” – pour parler comme un marchand de rideaux – arrimé sur le hall Pasteur.

Souvenir de gare. Ce mercredi 13 août 2003, notre souffle coupé, radicalement, quand les portes du Corail climatisé qui nous ramenait de notre campagne s’étaient ouvertes. Sous la dalle. A 12h49. Nous n’imaginions pas. Ce qu’avait pu être, dans la capitale, la canicule : du 4 au 12 août la station météo de Paris-Montsouris avait relevé des températures maximales toujours supérieures à 36°C. Le 13, ça commençait juste à baisser un peu. Nous, là-bas, à l’ombre sous les deux arbres du jardin (mais le hamac ne serait acheté que l’été d’après), on pouvait encore lire. Et dans la maison, la grande pièce aux murs en pierres apparentes n’avait jamais pris la chaleur ; aux fenêtres des autres on avait tendu des draps mouillés. Juste qu’on attendait 9 heures du soir pour monter sur nos vélos et qu’au retour, vers 11 heures, on était étonné, à l’entrée dans le bourg, d’être sensibles à la chaleur renvoyée par les murs des maisons.  Une différence qu’on n’avait jamais sentie jusqu’à cet été là. On dînait dehors après la ballade, traînant à table très très tard dans la nuit ; le vol de la première chauve-souris ne me chassait pas, comme souvent. C’était les vacances. Mais, là tout d’un coup, les portes du train s’étaient ouvertes et nous avions compris. Sans savoir encore, pourtant, que les morts en trop, au bout du compte, seraient 14 802.

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Forgerons passés en revues

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Un an après sa publication, Atelier 62 reste un livre vivant et c’est un vrai bonheur que ces échos prolongés. Parmi les plus récents, ceux parus dans les derniers numéros de Savoir/Agir (revue trimestrielle du collectif Raisons d’agir, n°6, décembre 2008, Editions du Croquant) et de La Faute à Rousseau (revue de l’APA*, n°50, février 2009). Deux articles lisibles en ligne à partir de la page échos de mon site, merci aux auteurs.

Dans Savoir/Agir, Gérard Mauger propose une lecture sociologique d’Atelier 62, tout à fait fouillée et référencée, et pertinente. Au point que sur chacun des quatre thèmes qu’il observe de près (paysans ouvriérisés – corps valeureux et malmenés – familialisme et ethos ouvrier – la lutte de classes au jour le jour) il éclaircit ma perception d’une histoire familiale inscrite dans la relecture des “Trente glorieuses”. A signaler : dans ce même numéro de Savoir/Agir un solide dossier “Mai-juin 68 : la rencontre ouvriers/étudiants”.

Dans La Faute à Rousseau, Atelier 62 est évoqué par un compte rendu de Véronique Montémont suivi d’un entretien. Je suis particulièrement heureuse que cette revue consacrée à l’autobiographie s’intéresse à ma démarche parce que je tiens la découverte, toute jeune doctorante, des travaux de Philippe Lejeune – son initiateur – pour une “balise” de mon itinéraire d’historienne, bien sensible déjà à ce qui se passait du côté de la littérature et des vies ordinaires…  

Le coeur de ce n°50 de La Faute à Rousseau, propose un beau dossier sur les villes, qui invite à emboîter le pas d’écrivains d’hier et d’aujourd’hui à travers villes et banlieues, Londres, Paris, Genève, Marseille, Helsinki, Bruxelles, Berlin ou Edimbourg, qui livre des modes d’emploi – dont un Paris/Perec de Philippe Lejeune – et réfléchit à “la ville de l’autobiographie”.

Gérard Mauger n’est pas le seul sociologue à s’intéresser à Atelier 62, le livre a aussi été évoqué par Xavier Zunigo sur son site, et figure dans des bibliographies de cours de sociologie du travail et de la famille. Dans les facultés de lettres, on s’y intéresse aussi. Début février, j’étais heureuse de rencontrer Jérôme Meizoz, un autre auteur du Temps qu’il fait, convié avec moi au séminaire doctoral de Dominique Viart à Lille-3 pour parler de récits de filiation.

Toute cette vie-là d’Atelier 62, après, je ne m’y attendais vraiment pas.

* APA : Association pour l’autobiographie et le patrimoine autobiographique

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Montparnasse Monde 23

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Numérotation des voies de la gare. Continue, de gauche à droite, chiffres arabes indiscutablement lisibles. Ils ne se sont pas amusés à alterner avec des chiffres romains, comme on l’a vu faire des chapitres d’un livre, il n’y a pas si longtemps. Aucune fantaisie. Et que des nombres appartenant à l’ensemble N des entiers naturels tous positifs. 1,2,3,4,5,6,7,8,9, TGV, départs et arrivées, 10,11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, va et vient en cadence des trains de banlieue dits Transiliens en langue de gare, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24 TGV ou TER Centre, départs et arrivées. Le doute ne s’insinue que voie 10 et voie 18, ambivalentes, à la limite : on a déjà vu des TGV voie 10 et des Transiliens voie 18. Restent 25, 26, 27, 28  reléguées en gare de Paris-Montparnasse Vaugirard et affectées aux Corail Intercités reliant à grand peine Paris à Granville. De la 28, on s’aperçoit que la numérotation aurait pu continuer jusqu’à 31 puisque trois autres voies repoussent le grillage bleu qui clôture l’emprise ferroviaire (de façon beaucoup moins hermétique que les façades qui la sertissent longtemps de l’autre côté). On se dit que ces trois voies, qui se seraient appelées 29, 30 et 31, ne regardent pas les voyageurs, finalement.

 

 

Ce dernier Noël, la gare enguirlandée comme jamais. Dans la ville, on en avait moins fait, la crise, on s’en ressentait - moins de pères Noël gonflés pour s’élancer à l’assaut des façades et la glace de la patinoire tardivement installée sur le parvis était pour la première fois synthétique – mais ceux de la gare, rien ne les avait arrrêtés. Sans qu’on puisse dire si c’était par esprit de contradiction ou suite à une erreur d’appréciation de ce que serait la conjoncture fin décembre 2008, quand, bien en amont, ils avaient porté à l’ordre du jour d’une de leurs réunions la question : décor de la gare pour les fêtes. A l’issue de la discussion, un crédit,  plus conséquent que les années précédentes, avait été ouvert au rehaussement festif du béton. Et commandes avaient été passées de rideaux de lumière, or et bleu, de stères entiers de branches de conifères, laissées à leur état de nature ou revêtues de fausse neige, de boules de verre rouges, de mètres et de mètres de ruban doré élégamment noué, et jusqu’à ce père Noël sur son traîneau à grand équipage de rennes réalisé en guirlande lumineuse ; ampoules logées à l’intérieur d’une sorte de tuyau en plastique transparent dessinant la forme de l’attelage – qui gagnait à être vu de loin. Installation perchée sur la cabine de l’accueil banlieue, au débouché des voies 13 et 14.

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Montparnasse Monde 22

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Ces jours où je ne perçois plus de la gare que son usure et sa crasse : la grande contrariété et le découragement insondable qui me saisissent. Privent ma marche de tout allant, me feraient fermer les yeux, m’agripper désespérément aux voies toutes tracées du cheminement aveugles. Salissures épaisses et sombres insinuées dans la moindre fissure, agglomérées dans chaque encoignure, qui condamnent la gare à broyer du noir. Gangues grasses capteuses de peluches de poussières enrobant chaque picot repousse-pigeons. Déchets, à trier, essaimés entre les traverses : restes de pizza à pâte trop épaisse, récurée de sa garniture, sur laquelle on a calé, barquettes à frites maculées ketchup déchiquetées, bouteilles de sodas, canettes 8° au moins et, spécifiques à la voie 24 en partie découverte, ces balles de tennis propulsées depuis le jardin Atlantique. D’autres reliefs plus douteux, moins immédiatement lisibles, qu’on ne décryptera pas. S’y mettre tous ensemble un dimanche à ramasser, comme on ferait d’un coin de forêt ou des bords d’un bras de rivière délaissés : je n’imagine pas.

 

 

Leur souci visible de propreté, pourtant, à l’égard des trains de banlieue schampouinés chacun son tour, un peu plus loin, au-delà du parking aux locomotives. Au niveau de l’ancienne gare Ouest Ceinture – un coquet pavillon de briques, discrètement Mansard, où les trains ne marquent plus l’arrêt depuis l’irruption du TGV dans le monde Montparnasse -, au droit de l’étrange édifice porteur d’un semblant de phare. L’entrepôt du marchand de poissons bon marché de la rue Castagnary, XVe arrondissement, longé par ces voies soustrayant les trains à leur cadencement le temps d’être lavés à grande eau. Les entrailles au jet – même les rognures d’ongles extirpées et toutes dégoulinures estompées – et la carapace léchée par le rouleau brosse en portique. Petites silhouettes jaunes qui s’activent au toilettage, bottes, cirés, chapeaux, balais. Et le séchage des trains, après, toutes portes vis à vis grandes ouvertes, pour l’appel d’air. Sourde inquiétude qui naît de cet excès d’aération : sûr qu’on en tomberait, de cette dentelle de train, si elle venait à s’ébranler. Trains transpercés de jours à l’image insaisissable, pas faute d’avoir essayé, mais toujours de mon propre Transilien déjà (ou encore) lancé bien trop vite.

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Accident et incidences, “Ce matin”, Sébastien Rongier

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Il restait le souvenir très fort de la lecture de Sébastien Rongier en juin 2007 lors de la deuxième nuit remue.net au Théâtre Ouvert. Cette lucidité et ce calme impressionnants pour dire la collision des jours ordinaires avec celui qui fracasse.

Il y a maintenant le livre, Ce matin, qui file sur ses 190 pages ces mêmes qualités de simplicité et de justesse qui imprégnaient si fort les dix minutes de lecture entendue.

Un récit triangulé entre trois villes, Paris, Sens et Les Sables d’Olonne et entre elles des routes, et sur une autre route un samedi matin un accident dans lequel une femme, qui en a connu des villes, rentrant chez elle sa nuit de travail au chevet d’un vieillard achevée, perd la vie.

Son fils vit à Paris, sa fille plus jeune à Sens avec leur père et la femme vivait, elle, aux Sables d’Olonne, revenue de trop de routes auprès de ses parents. A la première personne, c’est le fils qui parle, le roman dira sobrement ce qu’il advient d’eux tous, ce cynique samedi – veille de fête des mères – et les jours d’après. 

Un accident révélateur du fils en responsable légal ; lui tout à sa métamorphose récente de porteur de lunettes en porteur de lentilles, ce qu’il lui sera donné à voir, à reconnaître contre toute vraisemblance et à décider, dans l’adversité des tiraillements familiaux. Jusqu’à la fracture des cendres en deux urnes.

Les phrases courtes de Sébastien Rongier sont terriblement efficaces, posent un pied devant l’autre, dans la rue Beauséjour où se trouve le funérarium (!), comme vers l’appartement qu’il conviendra de vider et l’inconnu(e) rencontrée là.

Des phrases brèves pour avancer pas à pas dans la “réalisation” du nouveau monde qui entoure le fils. Sans le flou sur les bords que laissaient passer les verres de lunettes et sans mère, d’un seul coup. 

“Et puis après, on verra bien”.

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Montparnasse Monde 21

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Avant de refermer définitivement la porte de la pièce 2071, méticuleusement nettoyée de toute scorie de ma présence, j’ai photographié à plusieurs reprises, par ciels différents, la vue sur le jardin. En particulier cette façade, longue enfilade continue de fenêtres d’appartements – cuisines et séjours alternés – à laquelle il conviendrait d’apposer une abscisse et une ordonnée pour s’y repérer plus commodément dans les vies derrière les vitres. Parce que les éléments mobiliers qui en brossent le décor manquent de signes distinctifs : étagères, dos de canapés, dos de bureaux avec ordinateurs, lampes, plantes vertes, robinetteries d’éviers, plans de travail culinaires, électroménager standard. On pourrait faire aussi la somme des vies rassemblées là, calculer la moyenne d’âge, un niveau médian de ressources, des écarts types, déciles et quartiles, et établir la répartition des habitants par niveaux de diplômes ou Catégories Socio-Professionnelles (CSP). La façade invite à la statistique, toutes choses égalées d’ailleurs par son caractère parfaitement lisse. 

 

 

Si j’ai quitté ce bureau du dessus des voies, pourtant si harmonieusement environné, c’est qu’après le dernier pique-nique entre collègues au jardin Atlantique en juillet 2006, tout a basculé très vite. Ce midi-là, tous ensemble installés au calme, à l’écart de tout passage, dos caressés par les roses trémières. C’était le dernier pique-nique avec lui et nous le savions bien. Juste trois ans plus tôt, une fois compris ce qu’on appelait « place des Cinq martyrs du lycée Buffon » et arrivée là en contournant bêtement toute la gare par les boulevards de Vaugirard et Pasteur – je ne savais pas encore pour le jardin -, franchissant la porte de son bureau pour l’entretien d’embauche j’avais immédiatement repéré le casque de vélo, l’affiche du Caro diario de Nanni Moretti et le tableau au mur représentant les voies vues du pont. Compris, du coup, que la rencontre serait de celles qui comptent. Plus tard je saurai aussi que le peintre, c’était sa mère.

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Questions de décembre-janvier

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Atterris ces derniers temps chez L’employée aux écritures après avoir usé de Google comme d’un bon vieux SVP 11 11 avec Guy Darbois au standard, certains internautes n’y ont pas forcément trouvé la réponse pertinente espérée : petite session de rattrapage.

Mais avant toutes choses, espérer sincèrement que celle ou celui qui voulait mettre toutes les chances de son côté en vue d’un entretien d’embauche Mairie Quimper a décroché le job.

En revanche, mettre en garde qui s’intéresse au  métier de charron en Sarthe sur le fait que ça ne rentre pas dans  les cases prévues pour la saisie des voeux d’admission post-bac qu’il est temps de remplir quand on est élève de terminale.

Pour ce qui est de l’écriture du texte aux employés pour mon départ je décline, ayant assez à faire par ailleurs : consulter plutôt les instances du patronat qui en ont peut-être une pile sous le coude, prêts à l’emploi et adaptés à chaque branche professionnelle, astuces et jeux de mots compris. 

Doit on écrire en rouge à son employée ? Je le déconseille, surtout si l’on souhaite rester en bons termes avec elle. 

Prudence avant de créer un salon de thé avec coin lecture, par les temps de crise qu’on court une solide étude de marché s’impose. L’emplacement trouvé, l’équiper de tablettes de lecture numérique avec abonnement à publie.net ; ça diminuera d’autant la longueur des étagères à installer.

A qui cherche des anneaux rideau douche en pièces détachées, je signale qu’on en trouve en ce moment au BHV soldés 1,45 euro au lieu de 2,90 la douzaine et que j’en ai acheté pour résoudre enfin mon problème de rideau de douche trop court, pendant depuis les dernières soldes d’été. 

Un sachet de tilleul pese combien ? Deux grammes, si j’en crois les sachets de tilleul/menthe et ceux d’un savant mélange tilleul/menthe/verveine/oranger/camomille bio que j’ai sous la main – mais réponse à confirmer par ailleurs pour le tilleul nature.

Les questions relatives au camembert Bon Mayennais sont à adresser au Notulographe qui en est grand consommateur et a équipé sa maison grâce aux cadeaux obtenus en échange des points découpés sur les emballages. Je n’ai personnellement expérimenté que le stylo-plume et le drap de bain, donnant l’un comme l’autre toute satisfaction.

Dans quoi ça vit un axolotl ? De l’autre côté de la vitre, dans la tête de celui qui le regarde et aussi par ici.

Un piquet pour attacher une vache, j’en connais un seul, acheté par mon père en 1937 et j’ai gardé la facture.

Que peut m’apporter la lecture ? Des réponses à un certain nombre de questions et ce n’est déjà pas si mal.

Montparnasse Monde 20

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Usage qu’ils ont des plantes vertes dans la gare. Ici et là mises en terre en pots ronds de différents diamètres, en bacs cubiques ou en jardinières de balcons. La plante unique posée sur un rebord de fenêtre de bureau, hall des départs, au droit du bout de la voie 14, relève manifestement d’une initiative personnelle mal assumée ou mal continuée par un nouvel occupant du bureau qui en aurait hérité contre son gré mais n’aurait pas osé jeté. Scrupule à raison de quoi le végétal dépérit et ses feuilles lancéolées poussiéreuses ploient lamentablement. Les autres plantations procédent d’un plan concerté, escomptant de leur effet sédatif une aide au voyageur à prendre son mal en patience. Autant dire le bercer. Dimension consolante pleinement à l’oeuvre dans la pratique d’enjoliver de verdure les buttoirs. Habillage vert, avant-goût des délices qui attendent celui qui part vers la campagne et amortissement du choc urbain subi par celui qui en arrive. Empruntant un TGV en partance de la gare du Nord ce mercredi, j’y constate le même débordement chlorophyllien des buttoirs ; mais, dans une gare aussi aérienne, la photosynthèse opère sans doute mieux qu’à Montparnasse.

 

 

Flore ferroviaire spontanée récurrente mais sensible aux aléas climatiques. Coquelicots déchiffonés courrant mai – après l’hiver doux 2006/2007, c’était même chose faite dès le 25 avril, je l’avais noté sur mon carnet – pour accompagner jusqu’en juillet, sur le bas côté des voies, le trajet Clamart-Paris Montparnasse. Escorte impressionniste arrêtée net par le pont enjambant la rue de la Procession, XVe arrondissement, qui coupe radicalement la route à l’espèce. Plus un seul coquelicot une fois franchi et quel que soit l’éventuel écart des températures aux moyennes saisonnières. Prennent le relai d’insignifiantes mais vivaces petites fleurs jaunes que j’aime à penser douées de vertus médicinales : utile chélidoine qui soigne les verrues ou millepertuis le vague à l’âme, pour s’en tenir au jaune, mais je ne suis pas botaniste. Et de grandes et fières fleurs mauves, originaires de Chine, toxiques et invasives, Buddleia de David (ou plus simplement “lilas d’été” ou encore “arbres aux papillons”), connues pour leur addiction aux rails, enseignent les encyclopédies illustrées dans lesquelles je  crois les reconnaître.

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