L'employée aux écritures

le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735

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"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux

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Questions d’automne emportées par le vent

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Un certain temps que L’employée aux écritures n’avait pas pioché dans sa boîte à questions. Ce soir, les yeux bandés, c’est chose faite : réponses complémentaires à quelques internautes naufragés sur mon île par Google & co.

Sur l’usage du cageot en littérature, Pierre Michon, en majesté entouré de cageots de livres sur la couverture du beau recueil d’entretiens Le roi vient quand il veut fournit une réponse pratique : si la littérature s’intéresse peu au cageot, le cageot, lui, peut contenir de la littérature.

Le nom de l’employé de l’hôtel : quel hôtel, quel employé ? j’en ai tellement fréquenté ces deux dernières années, mais en tous cas, à Rouen l’hôtel s’appelait Astrid finalement.

Pour trouver un avocat chinois à Montparnasse ne cherchez pas dans la gare, c’est inutile, et je ne garantis rien pour le reste du Montparnasse monde, explorez plutôt le 13e arrondissement.

Les effets de la non écoute de l’employé, sont suicidaires.

J’encourage le jeune internaute cherchant un résumé intégral Martine Sonnet Atelier 62, pour épater son prof, à faire un petit effort : les chapitres sont courts et peuvent même se lire dans le désordre.

Peut-on voir le sexe d’un axolotl ? L’axolotl ne se regarde que les yeux dans les yeux : c’est là qu’il cache ses Armes secrètes.

Ma clé usb est passée dans la laveuse à linge quoi faire ? Merci de ne pas remuer le couteau dans la plaie : l’égarement en novembre de deux des miennes dans un TGV entre Paris et Grenoble, voiture 3, place 34, m’a complètement lessivée, essorée, tourneboulée.

A qui cherche des mots pour saluer une invitée je suggère de lire ou relire La visite de la vieille dame, de Dürrenmat, que j’avais vu jouer autrefois au Théâtre de la ville, il me semble qu’on doit en trouver là de bien tournés.

Enfin, le mien ne se terminant pas par 118, je suis au regret de ne pouvoir fournir le n° de téléphone d’Alain Veinstein dont je suis pourtant la fidèle auditrice (et fus l’invitée ponctuelle).

déc 9, 2009

Attention croisement : avec Pierre Cohen Hadria

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Chaque premier vendredi du mois, il s’en passe de belles sur les blogs : selon le principe des vases communicants on écrit les uns chez les autres.

Après un premier échange/partage avec Anne Savelli de Fenêtres open space en octobre dernier, L’employée aux écritures laisse aujourd’hui ses clefs à Pierre Cohen Hadria et s’en va remplir à sa place ses Carnets de travail de mélico.

POUR TOUT BAGAGE

Ca commence par un planning, qu’on va chercher gare de Lyon, le jeudi matin : on y découvre ses parcours du week-end, le nombre de questionnaires à empiler dans son sac, sections et enveloppes, les crayons, les parcours haut-le-pied (rares), le nombre d’enquêteurs avec qui on va travailler, un moment, plus parfois les deux ou trois jours (si c’est un pote, c’est fête ; une amie, la joie ; un idiot, la barbe).

Une quinzaine de kilos à trimbaler, le Paris-Bordeaux, puis le Toulouse-Lyon, puis le Lyon- Nantes suivi d’un Bordeaux-Quimper, et retour par le train de nuit Quimper-Paris.

Un week-end  (un peu) comme les autres.

Le vendredi, en début d’après midi,

on embarque, on commence par aller se présenter au contrôleur, le chef de train, oui une enquête, je passe je distribue je récupère, je reviens on se croisera, oui, à plus tard, vous vous installez en première ?

Oui, on s’installe en première, on ferme la porte avec le carré, on tire les rideaux pour ne pas être importuné, on travaille, on n’est pas là pour attendre sa destination, non, nous, on est là pour le voyage, on bosse, on ne bulle pas, on évalue, on distribue, une rangée ou un compartiment sur quatre, on sourit, on évalue les visages des jeunes filles, les rides des dormeurs, puis on revient, on ramasse, « Ah vous ne l’avez pas rempli ? j’attends ? » ou : « Vous ne voulez pas ? c’est pas grave », « Vous voulez un crayon ? » et puis on rentre dans son compartiment, on compte, on inscrit le compte sur l’enveloppe, la section « Paris- Poitiers » la date, distribués, tant ; recueillis tant ; on regarde parfois un peu les réponses, ça n’a aucune importance, cette réponse « votre sexe ? : beau mais faible », les Portugais qui mangent le poulet avec pour nappe les questionnaires, les rires, les abrutis avec leurs quilles, les malheureux aux cheveux ras, les amoureux « on a ri, on s’est baisés, sur les neunoeils, les nénés »,

les vieux qui rentrent du cimetière, qui vont en vacances, ou en randonnée, ou ensemble pour le match ou pour prendre l’avion pour s’en aller loin, si loin, les pieds hors des chaussures, les sandwichs et les œufs durs, la mayonnaise en tube, les bouteilles, la bière, l’eau le vin, les livres, les journaux, les montres, les bracelets et les bijoux, et puis voilà qu’on s’endort, malcommodes, jambes repliées qui dépassent un peu dans le couloir, ou abandonnés sur l’épaule de la mère qui lit, ou tricote, nous n’avions pas alors de ces objets actuels, les casques, les vidéos dvd autres ordinateurs où regarder des films jouer travailler, non, juste un peu de lecture, alimentation boisson, le temps passe, la nuit tombe, voilà…

Quand on arrive en ville, le travail est terminé, on cherche une chambre, on demande aux contrôleurs si au foyer, par miracle, il y aurait un coin où s’installer, on économiserait alors les frais d’hôtel, on économise les frais de restaurant en mangeant sandwich et paquets de frites devant la gare, le sac à l’épaule qui pèse un âne mort, on l’abandonnerait bien à la consigne si on n’avait à la régler, on doit faire attention, c’est durant toute la semaine qu’il faudra vivre avec ce qu’on va gagner, on remplit les bouteilles d’eau aux fontaines des gares, je me souviens de celle de Metz, toute de pierres marron beige, grumeleuse, granuleuse, ou de celle de Strasbourg qui ne portait pas alors les stigmates de cette nouvelle mode urbanistique dite de la « lentille » comme il en est une à Saint-Lazare. Et les gares Avignon, Lyon Perrache, Saint Pierre des Corps, Bordeaux Saint Jean, Genève Cornavin non, l’aéroport ?

Je ne sais plus, le train qui s’arrête, les regards inquiets, la fenêtre, le bruit, comme ce jour dans le Cévenol où, après Nevers j’ai glissé dans le petit boyau entre les voitures, le changement brusque d’aiguillage, mon pied entre les wagons, mon mocassin blanc tout à coup tout noir de graisse, mon pantalon clair tâché, toute la ligne à enquêter dans cet état, mais entier, la peur rétrospective, mon pied… l’arrivée à Béziers, acheter un pantalon, des chaussures, vite, il est sept heures, l’été, la chaleur, les rires, le resto allez, tant pis.

Revenir à Paris, remettre les enveloppes à présent emplies de questionnaires comptés, donner quelques mots sur le voyage, lundi matin, gare de Lyon,

voilà, le siège du bureau, le chef d’équipe qui vous accueille avec un sourire « comme un lundi » et nous autres, à la fac, de l’autre côté de la Seine, argent bientôt au chèque, amphi bondé d’étudiants qui n’ont aucune idée de ce week-end, quelle importance ? tenter de suivre le cours de topologie, prendre des notes, regarder le monde, le resto U, aller au ciné, boire un verre en terrasse (rarement), retrouver ses amis, ses amantes, sa chambre, son toit, ses livres, son rythme. Vingt ans.

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déc 4, 2009

Montparnasse Monde hitchcockien

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Samedi dernier, je rentrais de Saint-Ouen où j’avais parlé d’Atelier 62 à la médiathèque Persépolis dans le cadre de “La vie d’usine“, il était 20h50 et je marchais (un peu flottante comme toujours après ces rencontres) vers le quai 10 d’où partirait à 20h58 le prochain omnibus pour Rambouillet (un train nommé PORO dans la langue de gare), quand Sir Alfred himself, derrière un pilier  (à rondelles) d’un bon clin d’oeil m’a remis les idées en place et le iPhone en main. Je ne pouvais pas rater ça – et une semaine plus tard je suis toujours aussi fière de mon remake !

Et ne pas se priver de dire le plaisir inaltérable éprouvé à voir et revoir les films d’Hitchcock (mais la difficulté d’en choisir un ou deux qu’on aimerait encore plus – je risque : Vertigo et The lady vanishes) et le grand bonheur de lire et écouter (parce que les trois voix !) les entretiens Hitchcock/Truffaut subtilement traduits par Helen Scott. Enfin, arrivés là, bien évidemment poursuivre en lisant les lettres de Truffaut à Helen Scott (et tellement d’autres) dans sa Correspondance recueillie par Gilles Jacob et Claude de Givray.

Le week-end sera définitivement hitchcocko-truffaldien.

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nov 27, 2009

Montparnasse Monde 43

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Dans le Montparnasse Monde, la cantine est suspendue sensiblement à mi-hauteur : l’escalier qui, de l’extrêmité des voies 1 et 2, monte au jardin la dessert après trois volées d’escalier ; palier jonché de mégots. Je photographie le réfectoire au travers de la vitre de sa porte d’entrée. Je ne sais pas si les extérieurs sont admis là, comme dans certaines cantines, à un tarif qui paraît toujours prohibitif quand on y est invité par un membre du personnel qui, lui, bénéficie de la subvention de l’entreprise. A 11 heures le sel et le poivre seront rigoureusement disposés au centre de chaque table. Vers 14 h, fin du service, désordre et reliefs ; sel et poivre auront circulé au gré des goûts particuliers et régimes éventuels des rationnaires, il traînera des carafes vides, gouttes d’eau séchant au col, des croûtes de pain. La clémentine posée à côté du plateau : oubliée. Ce que je trouve astucieux, c’est le modèle de chaise choisi, qui facilite le balayage par simple élévation/accrochage aux tables, sans contraindre à leur retournement. On les voit si souvent à l’envers, assises posées sur les tables et pieds en l’air, les chaises dans les réfectoires. Entre 12h30 et 13H15 j’ai constaté comme une pause dans les départs des trains ; ici, ils déjeunent plus au calme.

Extension/Exercice de gare. La rue Delambre, je sais maintenant qu’il me faut 4 minutes et 12 secondes pour la parcourir de bout en bout. Ma montre n’est pas si précise et je n’ai jamais activé de chronomètre ni de podomètre, mais je venais de me procurer ce nouveau téléphone et j’ai voulu tester là sa fonction dictaphone, en procédant à la lecture intégrale de cette rue à stricte hauteur des yeux en partant du n°43 – trottoir des numéros impair donc -, sans altérer mon pas habituel. L’enregistrement s’est arrêté sur 4’12″, pendant lesquelles de la pharmacie qui fait angle avec Edgar Quinet, j’avais rallié la banque qui fait angle avec Raspail. Contente de moi. J’aime cette rue, et pas seulement pour ses sept cinémas, aussi pour sa droiture conjuguée à une juste suffisante longueur, permettant, d’un seul coup d’oeil, une appréciation globale de son trafic et de son activité : livraisons, déménagements, chantiers. Une rue qui ne tergiverse pas, ne vous cache rien et vous mène droit où vous voulez aller, dans un sens comme dans l’autre. J’aime aussi, vers neuf heures au matin, regarder les touristes en fin de petit déjeuner dans les salles à manger des hôtels qu’on aperçoit. Je les envie un peu, moi en marche vers la vie de bureau.

Delambre.m4a

(avec excuses pour les 10 premières secondes de mise en marche silencieuse: je m’exerçais)

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nov 21, 2009

“Entre-deux” de Nicolas Aiello, plus un

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Ouvreuse de si nombreux cartons et liasses d’archives dans lesquelles personne n’avait mis son nez depuis des lustres et encore lectrice assidue de bibliothèques aux fonds anciens, je suis évidemment sensible au travail photographique de Nicolas Aiello, Entre-deux, proposé dans la collection portfolios de la coopérative d’édition numérique publie.net.

Parce que les rencontres incongrues comme celles qu’il saisit entre les pages des livres, avec ces marques personnelles de précédents lecteurs restées tapies-là jusqu’au prochain curieux du même texte, j’en ai eu ma part.

Aux Archives nationales, salle Clisson, quand je dépouillais les papiers confisqués dans les couvents féminins de Paris pendant la Révolution, je tombais régulièrement sur d’anciennes cartes à jouer, dont je signalais, comme il se doit, la présence à la présidence de salle. L’éparpillement de jeux de cartes dans ces papiers du XVIIIe siècle était connu et on essayait de le suivre à la trace. Dans des livres anciens, il m’est arrivé aussi bien souvent de dénicher des tracts, des publicités, des menus, des billets de musées ou de transports, des photos…

Autant de legs à la postérité, proches de ceux que Nicolas Aiello photographie dans l’Entre-deux – entre-deux pages, entre-deux lectures – d’ouvrages circulant de la main à la main dans la modeste et villageoise bibliothèque de Frocourt ou dans celle, plus fournie et plus peuplée, de  Montreuil.

Si truffer, larder, un livre de cuisine de ses propres recettes manuscrites sur feuilles volantes va de soi, d’autres rencontres sont moins attendues, comme cette liste de noms de musiciens (on y déchiffre celui de Dominique Pifarély) recopiée sur une page de garde, la carte des spécialités du glacier ou l’emballage de friandise tenant lieu de marque page. Débordements de vies personnelles de lecteurs recueillis par les livres qui pour un temps les accompagnent et s’en font supports.

Ma plus récente trouvaille de ce genre dormait dans un livre ancien : enchères à ma portée du fait d’une reliure en mauvais état dissuasive aux collectionneurs, quand je n’en voulais moi qu’à ces pages bien toutes présentes. C’est une image découpée d’une planche de jeu de divination “Le miroir magique”, glissée entre les pages 144 “Botanistes, Boues”, et 145 “Boulevards, Bourse” de lAlmanach du voyageur à Paris, CONTENANT une description sommaire mais exacte, de tous les Monumens, Chef-d’oeuvres des Arts, Etablissemens utiles, & autres objets de curiosité que renferme cette Capitale : OUVRAGE utile aux Citoyens & indispensable pour l’Etranger. Par M. Thiery. ANNEE 1785. A PARIS. Chez HARDOUIN, Libraire, au Palais Royal, sous les arcades à gauche n° 14. GATTEY, Libraire, rue des Prêtres Saint-Germain-l’Auxerrois.

L’exemplaire a appartenu à une demoiselle D’Emiéville d’après une mention manuscrite sur la page de titre, mais l’oracle s’adresse à un jeune homme.

Ce qu’on lit au recto de l’image, sous le portrait : Manières admirables ; physique adorable ; légèrement brune, conduite irréprochable ; taille un peu élevée : tel est le portrait de celle qui, un jour ou l’autre, embellira votre vie. Cette charmante jeune fille contribuera dans toutes les entreprises que vous ferez ; beaucoup de gens chercheront à vos détourner d’elle ; vous écouterez quelques conseils mais n’en suivrez aucun. L’oracle dit que votre vie sera accidentée. Mille péripéties viendront vous ennuyer ou vous amuser. Pour savoir votre sort à venir, vous n’avez qu’à tourner cette petite feuille, c’est le moyen de comprendre ce que le ciel vous réserve.

Et au verso : REPONSE DU MIROIR MAGIQUE

Rien ici-bas n’est plus beau que la femme que l’on aime, quand elle réunit dans sa personne les qualités que je vais énumérer : beauté, sagesse, économie, travail, amour. Telle est celle qui vous est destinée. Seulement avant de la posséder, il vous faudra passer différentes épreuves : on voudra savoir si vous répondez à ses qualités. Il vous faudra pour cela beaucoup de courage, car plusieurs personnes chercheront à vous nuire. Une lettre vous annonçant un changement de position donnera cours à votre volonté et vous finirez par obtenir la main de celle qui vous aime autant que vous pouvez l’aimer. Suivez toujours les bons principes dans lesquels vous avez été élevé et vous vous en sentirez bien.

L’imprimeur de la planche - L. Baudot, éditeur, rue Domat, 20, Paris – spécialisé dans les ouvrages et jeux de magie ou prestidigitation exerçait dans les années 1880.

Filed under coin lecture
nov 13, 2009

Montparnasse Monde, à la limite

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C’était un lundi d’août dernier, je partais à la campagne par le train quittant Montparnasse Vaugirard à destination de Granville à 19H59, dont je descendrai à Flers à 22h19 pour continuer ma route à bord du taxi collectif de la communauté de communes du Domfrontais.

Par chance, ce soir là, un voyage sans histoires, ce qui est loin d’être toujours le cas.

Par chance encore, ce Corail Intercités s’échappait du Montparnasse monde par la voie 28 extrême limite de l’emprise de la gare, côté XVe arrondissement. Limite floue, comme j’avais tenté de l’écrire que ce soir-là, je pouvais filmer (le petit Olympus bleu me laisserait en plan un peu plus tard dans l’été).

Si je reparle de tout cela, c’est que depuis dimanche dernier, on peut lire dans la présentation soignée des éditions publie.net (en ligne ou en la téléchargeant) la totalité des 40 variations, proposées ici sous forme de feuilleton chaque samedi de septembre 2008 à juin 2009 : les épisodes 36 à 40 sont ajoutés aux 35 premiers, le tout sous une nouvelle couverture. L’écriture du Montparnasse monde continue, mais le feuilleton est devenu approximativement mensuel.

Le numérique c’est la possible révolution permanente du texte, son travail ou ses tâtonnements partagés.

A signaler aussi : la très pertinente lecture de Montparnasse monde par Pages à pages.

Filed under Montparnasse monde
nov 7, 2009

“Couture à domicile” : une seule adresse

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Pour tous vos travaux de “Couture à domicile”, la bonne adresse c’est celle des Passagers de la nuit sur France Culture, du 2 au 5 novembre.

Quand Thomas Baumgartner m’a proposé d’écrire pour la série “2 voix 5 minutes” qui clôture l’émission (les 5 minutes sont les 5 dernières, diffusées vers 23h40/45 juste avant Du jour au lendemain d’Alain Veinstein), j’ai été très heureuse, parce que j’aime beaucoup écouter ses Passagers de la nuit. Mais aussi bien prise au dépourvu parce que j’étais fermement décidée à ne jamais écrire une seule ligne de dialogue, par flemme d’aller à la ligne, de saisir un tiret et d’ouvrir des guillemets à tout bout de champ… Et puis quoi inventer ?

N’empêche que très vite est venue l’idée de “Couture à domicile”, un sujet qui me permettait d’utiliser les contraintes formelles de la série (continuité/discontinuité des 4 fois 5 minutes et continuité des deux personnages).

Donc “Couture à domicile”, c’est une couturière et sa cliente, quatre séances d’essayages, quatre vêtements, quatre moments dans la vie des deux femmes, en 1950, 1962, 1970 et 1975. La confiance qui s’installe et les confidences, le temps de tourner un peu pour voir si ça pose bien de partout. Attention aux épingles.

Merci à l’équipe de l’émission, à Séverine Cassar et aux deux comédiennes, Charline Paul, la couturière, et Anne-Lise Heimburger, la cliente : passé par leurs ondes et voix, le texte est bien plus beau qu’au sortir de mon clavier !

On peut encore les écouter en ligne : elles sont archivées.

PS : si d’habitude quand les Passagers de la nuit passent vous dormez, il suffit de les podcaster pour ne pas les rater.

Filed under à chaud
oct 29, 2009

Montparnasse Monde 42

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La gare, j’y vais toujours le coeur battant ; tellement fort, même, que je suis rassurée par la récente et soudaine apparition dans le Montparnasse Monde d’un défibrillateur prêt à l’emploi : sous tension, avec deux petites lumières fixes vertes, meilleur indice de ses bonnes dispositions à notre égard que ne le seraient des clignotants rouges. Un défibrillateur qui a pris place au niveau quai, entre bureau ACCUEIL et composteurs ; en plein dans le passage mais c’est exprès. Du matériel fiable : pas lui qui refuserait de remplir son office sous prétexte qu’il faudrait d’abord retourner votre billet, et jusqu’à trois fois, comme l’exigent parfois ses voisins de potences mal lunés. Une présence rassurante, parce que les raisons pour les coeurs de défaillir dans une grande gare parisienne, quand bien même ne ferait-on qu’y transiter entre deux trains, ne manquent pas. Et je ne parle pas de l’état dans lequel sont nos oreillettes et nos ventricules, à nous usagers ballotés quotidiens du Tumulte des lieux, toujours à la merci d’une sévère mise en garde pour notre bien ou d’une annonce catastrophe par haut-parleur. Dans la gare, désormais, quoi qu’on nous dise, nos coeurs fatigués peuvent lâcher en toute sécurité.

Souvenir de gare, un peu par raccroc. Dans les années 1990, plutôt vers le début, B. avait un temps fait le ménage chez une cardiologue – justement -, qui vivait seule avec sa fille adolescente dans l’immeuble d’habitations à longue façade donnant soit Jardin Atlantique, soit avenue du Commandant Mouchotte. Mais B. n’aimait pas trop s’y rendre, malgré les seulement 10 minutes porte à porte qui l’en séparaient – 7 minutes de train de banlieue pour Montparnasse en partant d’une chambre meublée alors sous-louée place de la gare. Arrivée là, il ne lui restait plus que l’escalier qui repousse les voies 1 et 2 à gravir pour accéder à l’immeuble par une petite grille dont elle détenait la clef. Une aubaine pour B. qui n’aimait pas du tout marcher (je n’oublie pas sa démarche si particulière, lente, presque douloureuse, elle si active par ailleurs). Donc B. s’était assez rapidement brouillée avec la cardiologue, à cause de sa fille et de son fouillis disait-elle. Des années plus tard, quand elle est partie de chez nous aussi sans prévenir – sa façon habituelle de rompre, avec tout le monde – nous nous sommes demandés si B. supportait la présence d’adolescents dans les familles ; elle qui ne connaissait plus ses propres enfants depuis longtemps quand ils avaient atteint cet âge-là. L’ultime malheur de B. c’est que son coeur n’a pas lâché au bon endroit : pas de défibrillateur au fond de sa cour.

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oct 24, 2009

D’une apparition : Pessoa, rue Soufflot

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Sur le trottoir de la rue Soufflot, côté des numéros impairs, à hauteur de l’antique pharmacie Lhopitallier – un décor qui lui allait comme un écrin – , j’ai croisé Fernando Pessoa. Il était 14h40 – j’ai regardé ma montre.

Fernando Pessoa, un peu vieilli mais toujours même chapeau, mêmes lunettes, même moustache, même manteau, et son mince cartable. La différence est qu’en ce lieu et à ce moment précis, 14h40 devant la pharmacie Lhopitallier, il tenait ce dernier par la poignée, lui causant un léger balancement, et non plus serré immobile sous son bras. Marchant du même pas, l’esprit occupé de ce qu’il écrirait tout à l’heure à Ophélia.

Fernando Pessoa, tel qu’en son éternelle intranquillité, mais en couleurs : son manteau est étonnamment bleu marine. Tant d’images de lui en homme gris, aux souliers noirs vernis, foulant les tout petits pavés carrés blancs de Lisbonne.

En y repensant, il me semble bien qu’il a renoncé au noeud papillon – seule infidélité concédée à lui-même.

Je ne sais pas où il avait laissé sa malle (et tous ceux qui grouillent enfermés à l’intérieur), mais je dirais bien à l’hôtel des Grands Hommes, parce qu’il faut bien un point de départ.

oct 20, 2009

Histoire de B. : épilogue et fenêtre

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Voilà que dans cette rue, depuis l’été et la démolition des maisons du 29 et du 27, la fenêtre de l’appartement de B. au rez-de-chaussée de l’immeuble sur cour du 25 est devenue visible. Du trottoir le regard rase son volet fermé. Bientôt l’immeuble qui commence à  s’élever comblera la brèche et le bâtiment discret dans lequel a vécu B. redisparaîtra. Elle n’avait qu’une fenêtre B., ayant acheté et fait aménager en studio une ancienne petite loge inoccupée depuis des lustres, partie commune dont la copropriété ne voulait plus faire les frais.

Dans la toute première ébauche des textes qui deviendraient Atelier 62, un “décrochement-digression”, comme il en existait quelques uns débordant du cadre chronologique du temps des forges, évoquait B. qui venait de disparaître de notre vie. J’écrivais en décembre 2005, elle nous avait quittés le 3 octobre, sans explication. J’évoquais son arrivée chez nous et comme je m’étais emberlificotée dans ma conscience féministe quand, trop occupée de mes travaux et du soin des enfants, alors jeunes, faire appel à l’aide d’une femme de ménage s’était imposé. Finalement, c’est B., si différente de celle que j’avais imaginée, qui était venue – je retrouve mon petit bout de texte -

“deux fois par semaine, et on la reçoit respectueusement et affectueusement, comme si c’était sa propre mère. Et puis au bout de seize ans – c’est arrivé chez nous il y a quelques mois – elle s’en va, sans rien dire, juste les clefs dans une enveloppe lâchée dans la boite aux lettres en partant. Ecrit dessus : bon courage. Se souvenir comme elle a accompagné les enfants ; ses cadeaux encore dans leurs chambres. Ne rien comprendre. Constater que la chatte aussi tourne en rond depuis ; les deux jours de grand retournement des choses rythmaient ses semaines solitaires. La bête savait dans quel ordre les événements se produiraient, avait mis au point son parcours de cachettes successives. Maintenant, quand l’un de nous sort l’aspirateur du placard, la chatte s’affole, sans refuge sûr face à nos façons de faire, imprévisibles et désordonnées.”

B., jamais remplacée à la maison, n’avait pas donné suite au courrier que je lui avais adressé pour la remercier de toute l’aide qu’elle nous avait si longtemps apportée, m’inquiéter des soucis de santé ou autres qu’elle pouvait avoir. Son numéro de téléphone n’était plus attribué – elle en avait changé une fois de plus – et par deux fois l’hiver qui avait suivi son départ, la croisant sur un trottoir, la saluant, m’arrêtant pour tenter de lui parler, celle-ci avait continué son chemin sans répondre.

En septembre 2006, rubrique “Etat civil – décès”, du bulletin municipal, j’apprenais que B. était morte en juin. Je saurai un peu plus tard, du notaire provincial qui, devant régler sa succession et manquant d’informations à son sujet, nous avait écrit ayant trouvé notre adresse dans ses papiers, que c’était de mort naturelle et qu’on l’avait retrouvée 15 jours après son décès, quand ses voisins, à qui elle ne parlait pas, n’en pouvaient plus de se pincer le nez en pénétrant dans l’immeuble sur cour.

Je ne sais rien de plus de la fin solitaire de B., ni de son enterrement que personne probablement n’a suivi. Je sais quelques moments de sa vie toute de ruptures, confiés le temps des nombreux cafés bus ensemble. Son volet fermé, de moins en moins visible ces derniers jours derrière palissades et algecos.

Filed under la vie tout venant
oct 16, 2009

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