Grands pouvoirs de la gare, comme celui d’abolir le temps. L’hiver dernier, l’horloge en façade, côté Départs, sans aiguilles. Plusieurs mois, le temps de partir demeuré sans commune mesure. Chacun pour soi. Horloge muette : angoisse du voyageur, quand, intrinsèquement, le voyageur en partance pour l’Ouest en est l’espèce la plus sujette à l’angoisse. Au printemps, à leur tour, Arrivées à pas d’heures : envolées les aiguilles avec les douze pastilles marquant les heures. Mais la gêne était moindre, de toutes les façons on arrivait et qui, sorti de la gare, se retournerait pour y lire encore l’heure ? Horloge rassurante, celle posée au sol du hall Pasteur, jamais prise en défaut, aiguilles et heures arrimées solidement ; une horloge qui se laisse approcher, à laquelle on peut se mesurer et dont le globe renvoie l’image de qui la photographie. Son exacte pendante, dos à dos de l’autre côté de la verrière, dépourvue de cette protection, mais hors d’atteintes au dessus des voies. Mes montres, toujours réglées sur le fuseau horaire de Montparnasse (et comme je la regrette la montre au cadran qui commençait par “Longtemps je me suis couché de bonne heure…”). A la gare, je remets toutes mes pendules à l’heure.
Extension de la gare : à Inno, appellation qui proviendrait de l’abréviation d’une enseigne antérieure, “Innovation”, mais c’est sans importance et d’ailleurs depuis les travaux de l’été 2007 ils ont rebaptisé « Monoprix » ce supermarché de la rue du Départ. Manoeuvres fréquentes dans l’univers de la grande distribution. Ne plus dire aux miens que je fais les « courses à Inno en rentrant », le temps qu’il me faudra. Et penser à me faire établir la carte Monoprix pour répondre enfin « oui » au passage en caisse : à chaque client ils demandent et moi, tête baissée fourrageant dans mes sacs, un « non » contrit. Inno traversé aussi en ligne droite, sans céder à la séduction des gondoles, comme raccourci propre à gagner au plus vite la place Edgar Quinet depuis la rue de l’Arrivée et vice versa. Plaisir gratuit renouvelable à l’infini de passer la porte au tambour tournant sans altérer d’un bémol le rythme de ma marche. Aux comptoirs longés, bouffées successives et rapprochées de soupe asiatique qui réchauffe, de viennoiseries qui cuisent et de café qu’on moud. Racourci pratiquable du lundi au vendredi de 9 h à 21 h 50, 20 h 50 le samedi. Pour être sûr que c’est ouvert, retournez-vous et vérifiez l’heure qu’il est à la gare.