M’y être crue longtemps la très bienvenue – à cause de ce nom « Montparnasse Bienvenüe » baptisant la station de métro qui dessert la gare sur les lignes 4, 6, 12 et 13, mais celle-ci n’existait pas alors – expliquerait par une imprégnation originelle (pour ne tout de même pas dire in utero qui serait exagéré) mon empathie pour le monde Montparnasse. Enfant, je me félicitais de ce que cette gare, la seule pratiquée, soit aussi la seule à accueillir d’un mot gentil les voyageurs. En famille, nous l’abordions toujours par la ligne 12, joignant la Mairie d’Issy à la Porte de la Chapelle – autrement encore dite « Nord/Sud », survivance de l’époque où il n’y en avait pas tant à traverser Paris de part en part. Sensibles au bon accueil qui nous était réservé avec cette bienvenue lancée avant même qu’on l’atteigne : il nous restait encore à marcher un certain temps dans des couloirs. Les stations Gare du Nord et Gare de l’Est sur la ligne Porte d’Orléans – Porte de Clignancourt, pour ne citer qu’elles, ont toujours été avares de pareille prévenance. Je ne connaîtrai la vie et les oeuvres métropolitaines de l’audacieux ingénieur Fulgence Bienvenüe que beaucoup plus tard, mais resterai imprégnée de ce sentiment d’hospitalité spécifique longtemps éprouvé à l’approche de la gare Montparnasse.
Arts et manières d’aller de chez nous à la gare, sans recourir aux bons offices d’un autobus, ni d’un métro ni d’un train. A vélo : cas fréquent quand j’occupais la pièce 2071 de l’immeuble Nord-Pont, les jours doux sans risques de pluie. Et l’affectueux “rentre bien” que me lançait le soir, me voyant passer à hauteur de sa porte ouverte sur le couloir courbe, celui qui de nous tous restait travailler le plus tard. Mon casque balancé à bout de bras, le sien posé sur une pile de livres derrière son bureau, sous les voies de chemin de fer vues du pont peintes par sa mère. A pied : c’est arrivé une seule fois, pendant ces grèves dites “le mouvement social de décembre 1995″ gravé dans les mémoires solidaires d’un autre siècle (et sur la pellicule d’un film de Dominique Cabrera qui s’appelait Nadia et les hippopotames). Il s’agissait, pour C. et moi, de rejoindre, sur le côté Commandant Mouchotte de la gare, les cars d’Air France qui, imperturbables, nous emmèneraient à Orly prendre un avion pour Madrid. L’étrange impression que cela fait de partir à pied de chez soi et de marcher longtemps longtemps dans la nuit pour aller prendre l’avion. Bien des années plus tard, on s’en souvient encore. Même parcours qu’à vélo, exactement, collé aux voies tout du long quoi qu’il arrive, mais le raccourcis en petit escalier, à Malakoff, se franchit plus aisément à pied.