L'employée aux écritures

le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735

RSS Feed

"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux

Montparnasse Monde 31

Comments Off
Posted by ms on 25 avril 2009 at 9:07

 

Commerce de détail dans la gare. Une fois, une seule fois, j’ai acheté un bouquet de fleurs dans la gare et c’était pour offrir – plaisir d’offrir, joie de recevoir : pas de jaloux grâce au petit adhésif tenant en place le cellophane. Mais je ne me souviens plus du tout à qui était destiné ce bouquet, ce qui me gêne un peu rétrospectivement à l’égard de cette personne. Non seulement parce que je l’ai oubliée ainsi que les circonstances dans lesquelles j’ai voulu lui faire plaisir  - banales au demeurant, il ne s’agissait pas d’une composition florale élaborée festive ni mortuaire que je n’aurais pas plus trouvée au niveau parvis qu’au niveau métro. Je ne sais pas si le même marchand gère les deux étals, ou si l’un ressortirait à une concession SNCF et l’autre à une concession RATP obtenues à l’issue d’appels d’offres différents, mais aux deux niveaux les fleurs se ressemblent étrangement. Toujours est-il que ce jour-là, prise au dépourvu ou trop flemmarde pour l’acheter ailleurs que sur mon chemin, j’ai offert un bouquet qui ne me convainquait guère et que j’aurais moyennement apprécié de recevoir. Ces fleurs de gare, aux couleurs un peu trop vives pour être honnêtes et toujours irréprochables dans leur fraîcheur apparente, me font penser aux œillets teints par Antoine Doinel dans la cour de l’immeuble qui abrite son domicile conjugal, mais elles n’ont pas leur poésie.

 

 

Commerce de petit détail et un peu à la sauvette dans la gare : le marchand de stylos à qui je n’en ai jamais acheté. Des années durant posté niveau parvis, juste avant la batterie des escaliers et escalators avalant vers la bouche de métro les arrivants de la banlieue. Placé de telle sorte, en position semi-allongée – sans doute seule supportable à son dos et à ses jambes paralysés – dans son fauteuil/lit roulant sur trois roues, que le flux des usagers en transit s’ouvrait et s’écartait en deux bras l’enserrant, pour se refondre en un corps unique, lui dépassé. Lui qui tendait à bout de bras, une dans chaque main, ses pochettes de quatre bics : capuchons noir, bleu, vert et rouge. On lui voyait rarement un client, ce dont il ne faut rien déduire, compte tenu du fait qu’il n’arrêtait notre regard que les quelques secondes précédant la descente sous terre et pas question, après, de s’arrêter ni de se retourner pour observer s’il aurait maintenant par hasard un acheteur. Mais des gens qui le saluaient, passant à sa hauteur, il n’en manquait pas. Il répondait comme il pouvait, juste secouant la tête et sa casquette. Ne parlait pas, ou alors y mettait trop de temps pour ceux qui passaient, toujours pressés.

 

Filed under Montparnasse monde
Both comments and pings are currently closed.

7 Comments

  • On 25 avril 2009 at 13:38 PdB said

    “Domicile conjugal”, quelle jolie pensée en direction d’une gare… Vous vous souvenez de Claude Véga qui passait dans cette cour alors que l’Antoine peignait ses fleurs (il était ami de Truffaut me semble-t-il) ? Il y a quelque chose entre ces gens et la gare, c’est vrai, tout comme il y aura quelque chose, j’espère, entre elle et “Cléo de 5 à 7″, dont les linéaments nous amènent à Denfert et à son lion (et plus loin, à la cité universitaire…)
    (j’adorais alors voir les imitations de Barbara par Claude Véga, merveilleux passant de ces films où les personnages choisis collaient tant à la réalité de nos passions et de nos rêves, hein… C’est pour cela qu’on aime Truffaut, je suppose, parfois,et Delphine Seyrig grâce à laquelle…)

  • On 25 avril 2009 at 15:52 PhA said

    Vues de si haut ces fleurs deviennent de mystérieux joujoux inaccessibles.

  • On 25 avril 2009 at 20:48 ms said

    PdB : dans la correspondance de Truffaut publiée, le gros volume, je crois me souvenir qu’il y a des lettres à Claude Véga ; il me semble bien qu’ils étaient amis d’enfance (même école ?) Truffaut et lui
    souvenirs filmiques de la gare : une des 4 aventures de Reinette et Mirabelle du cher Rohmer et le cultissime Maine Océan de Rozier

    PhA : je ne situe plus l’endroit d’où j’ai pris cette photo, pourtant relativement récente

  • On 25 avril 2009 at 22:34 PdB said

    Oui, c’est vrai je me souviens de ces lettres, en effet (mais je l’ai lu en poche on s’en fout en même temps) et oui, je crois qu’ils étaient amis d’enfance… Maine Océan : j’ai croisé Luis Régo la dernière fois au restaurant, l’avocat magnifique des flagrants délires hein (après l’un des Charlots)… Claude Véga et Luis Régo…

  • On 26 avril 2009 at 0:48 PhA said

    Vous arpentiez un plafond transparent.

  • On 26 avril 2009 at 10:46 Phileon92 said

    Moins culturel que Truffaut ou Rohmer… je signale une bonne et longue scène dans la Gare Montparnasse avant rénovation TGV, dans le film “Mort d’un pourri” (Lautner, 1977) !

    Ensuite l’action se passe dans un grand café qui fait face à la gare, à l’angle de l’avenue du Maine et de la rue de l’Arrivée (je crois que c’est maintenant un restau chinois), puis dans un cinéma, le Miramar si je me souviens bien…

  • On 26 avril 2009 at 18:37 ms said

    @PhA : je ne revois pas lequel, pourtant je vous assure que par ailleurs je suis très calée sur les effets “plafonds de verre” en ce qui concerne les carrières, notamment scientifiques, des femmes

    @Phileon92 : merci pour cette info sur un film dans lequel on voit la gare, ça peut toujours servir (l’angle Maine/Arrivée, c’est un restau pas chinois : L’enclos des temps si je me souviens bien)
    et c’est le moment de signaler ton blog ciné-façades

Rubriques du blog

Recherche

Archives du blog depuis avril 2008

Sur Twitter

tous textes et photos copyright Martine Sonnet, sauf mention spéciale
var _gaq = _gaq || []; _gaq.push(['_setAccount', 'UA-25117361-1']); _gaq.push(['_trackPageview']); (function() { var ga = document.createElement('script'); ga.type = 'text/javascript'; ga.async = true; ga.src = ('https:' == document.location.protocol ? 'https://ssl' : 'http://www') + '.google-analytics.com/ga.js'; var s = document.getElementsByTagName('script')[0]; s.parentNode.insertBefore(ga, s); })();