L'employée aux écritures

le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735

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"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux

Des corps taillés à l’identique

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C’est une photo dans un journal daté d’avril 1967. Les fondeurs et les forgerons de la R.N.U.R. se montrent dans les rues de Billancourt, mécontents de la fin programmée de leurs ateliers, dont le fameux 62. De tous récents accords Peugeot/Renault, entérinent la délocalisation prochaine des fonderies et des forges de Billancourt à Hagondange et Mulhouse.

Dans le cortège, au troisième plan, à l’extrême gauche, un homme ressemble étonnement, de corpulence et d’allure à mon père, et sur sa tête le béret signerait l’identité. Mais la photo, même sur la coupure originale du journal, n’est pas de très bonne qualité. Subsiste un doute quant aux traits du visage, même si le port de tête rappelle le sien. C’est troublant cette ressemblance. Je recadre la photo de plus en plus serré, mais le peu de netteté s’en trouble à chaque fois.

Est-ce qu’un même labeur, aussi physique soit-il, peut à ce point façonner deux démarches et deux corps semblables, deux cages thoraciques exactement de la même ampleur ? Ou bien dois-je dissiper l’ombre de mes doutes et affirmer que c’est lui ?

C’est possible, après tout, il y travaillait encore pour six mois, à l’atelier 62.

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Question résiduelle mais de poids

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Les moteurs de recherches qui savent le zèle déployé par L’employée aux écritures pour répondre aux questions orphelines (requêtes que nul ne se bouscule pour satisfaire) n’hésitent pas à lui en soumettre. Ainsi du saugrenu crématorium combien pèsent les cendres ?

Je ne sais pas m’en dépêtrer et saisis donc  la question à mon tour, afin de voir  au bout de combien de pages l’internaute a été dirigé chez moi. Parvenue à la dix-neuvième page de réponses sans m’être reconnue je renonce : je ne partage ni sa patience ni sa curiosité. Personnellement, je ne me pose pas cette question tous les matins (ni même un sur deux).

Faire, le moment venu (rien ne presse), le choix des cendres comme trace résiduelle laissée à ses continuateurs, me semble relever d’un louable souci de discrétion, sans que j’éprouve le besoin d’en peser, au delà du pour et du contre, toutes les conséquences. Et je fais confiance aux catalogues des professionnels pour fournir le réceptacle adéquat, qu’intègre et vif on ait combattu en catégorie poids lourd ou en catégorie poids plume.

Alors je me demande ce qui peut bien conduire à se poser une question pareille. Pragmatique, j’élimine néanmoins la recherche d’un tarif d’affranchissement pour une expédition en colissimo suite à l’augmentation des tarifs postaux entrée en vigueur le 1er juillet dernier.

Reste la crainte d’un excédent de bagages par qui profiterait des vacances pour transporter dans les airs, sous cette forme, un être cher réduit à sa plus simple expression, en vue d’une dispersion en mer ou du sommet d’une montagne.

Et sa variante : l’alourdissement  redouté d’un sac à dos arrimé sur de frêles épaules, pour peu que d’ultimes volontés aient spécifié que le sommet devait être atteint non au moyen d’une dépose hélico mais bravement gravi pédestrement.

A ces heures-là plus personne n’a le dos large. Et le poids comme la chaleur des cendres traversent les épidermes et toutes les épaisseurs, percent tous les matériaux.

On le sait bien pour se souvenir de la brûlure des dernières pages d’un livre fort.

Souvenirs des photos d’une exposition

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A la veille de sa fermeture, il était bien temps,  j’ai visité l’exposition des photos d’Irving Penn, ses Petits métiers, à la Fondation Cartier-Bresson. J’ai un peu regretté (et je n’étais pas la seule) que les tirages présentés soient si sombres. Fort contraste de ces “cris de Paris”, comme on les aurait appelés au XVIIIe siècle, sur les murs blancs des salles d’exposition.

Présent à Paris en 1950 pour photographier les défilés haute couture  à la demande du magazine Vogue, Irving Penn en profite pour convoquer dans son studio de la rue de Vaugirard,  en tenue de travail et avec tous leurs outils, des travailleurs et travailleuses repérés dans les rues de la capitale et dont il pense que les activités disparaîtront bientôt (il les dédommage du manque à gagner le temps de la pause).

La série des petits métiers amorcée à Paris est continuée à Londres et à New York selon les mêmes principes et c’est une “internationale ouvrière” que le photographe nous dresse, rejoignant August Sander et sa galerie des Hommes du XXe siècle ou François Kollar et son portrait de la France laborieuse à la veille du Front Populaire.

On peut, alors que l’exposition a fermé ses portes, retrouver les photos exposées (avec d’autres) dans le livre Irving Penn, Small Trades, qui faisait office de catalogue mais que je n’ai pas acheté. De ma visite à la Fondation Cartier-Bresson, un lieu collé au Montparnasse monde dans une impasse que je ne connaissais pas, impressions restées vives de

la maigreur du marchand de concombres : ses bras plus maigres que ses concombres, son tatouage d’un visage féminin (vague ressemblance avec Louise Brooks) dessiné sur ses côtes saillantes et le trou au genou droit de son pantalon ;

la bonne tête de l’équarisseur au chapeau : on irait presque confiant se mettre sous la scie qu’il tient à bout de bras ;

la complicité des deux garçons bouchers, se tenant par les épaules, et leurs longs tabliers chiffonnés maculés ;

l’invisibilité du technicien du gaz, visage dissimulé sous un masque à la technologie complexe, plein d’appendices, et la combinaison gommant son corps ;

la décontraction du soudeur, lui, le casque relevé, le masque baissé, et la jambe en avant ;

les chaussures impeccables du couple de cordonniers, elle et lui portant lunettes, et comme elle tient serré son mari ;

la fierté du terrassier, vieil homme portant veste et gilet, une main dans la poche du pantalon, l’autre posée sur l’extrêmité du manche de pioche ;

la lassitude du charpentier, un outil dans chaque main et un bout de planche serré sous chaque bras ;

le long collier-étalage du marchand d’oignons breton : si j’aimais les oignons c’est à lui, et à nul autre, que je me fournirais ;

l’air désabusé du réparateur de faïence, assis, tablier sur les genoux et dans chaque main un morceau à recoller ; ses outils et sa colle disposés au sol autour de lui ;

la concentration du couple de professeurs de danses de salon ;

les rayures des chaussettes et du pull du contorsionniste : mais comment son chapeau tient-il dans son improbable posture ? ;

les bas résilles de la danseuse de cabaret ;

les décorations arborées par le gardien de parc et les guerres qu’il a dû faire ;

le mètre ruban autour du cou de la couturière et la longue aiguillée de fil blanc piquée en haut de sa blouse noire ;

les plis impeccables du tablier de l’infirmière, la raideur de sa coiffe et de son col ;

toutes les épaisseurs superposées dont il faudrait venir à bout avant de parvenir à toucher enfin la peau du vendeur de peaux de chamois ;

le sourire en coin du chiffonnier ;

le sourire narquois du sommelier, sûr de la bonne bouteille qu’il tient en main, mais dont il sait bien qu’elle n’est pas pour nous ;

les mauvaises dents qu’on devine aux deux femmes de ménage se tenant par le bras et chacune son sceau en tôle, les brosses dedans, de l’autre côté.

(Et une fois n’est pas coutume : j’ai emprunté la photo sur un blog d’actualités photos de Los Angeles ; rien de plus facile que d’en trouver d’autres)

Montparnasse monde acéphale (avec iPads)

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Acéphales, sensiblement asexués, sans âges, du moins sans grands âges, et épidermes quasi incolores : les iPadistes, suspendus, ont envahi ces jours derniers le Montparnasse monde. Leur relative indétermination sexuelle nous épargne les stéréotypes déplaisants, encore qu’il y aurait à dire sur certaines tenues dominante rose (comme s’il fallait tout de même que). Les ongles sont dénués de vernis et, quand on peut les regarder de près, les mains sont égales dans l’insignifiance,  au-delà d’être toutes assorties à de jeunes cols deux fois blancs.

Les partis pris de la campagne publicitaire d’Apple ne cessent de m’intriguer. Ces êtres sont couchés – quand on s’attendrait à les voir faire l’éloge de la mobilité – et dénués des qualités qui nous définissent “à vue d’oeil” dans nos vies quotidiennes. Les iPadistes, corps réduits – fraction d’abdomen, cuisses et mains  blanches – n’ont pas figure humaine mais affichent leur jeunesse décontractée et occidentale.

La saturation de mon champ visuel par ces personnages n’empêche pas que se profilent, comme  à contre-jour, les exclus que ce choix implique : les moins jeunes, les moins blancs, les moins sveltes ou les habillés autrement qu’en jean. C’est ce qui me gêne dans la campagne d’Apple : son caractère exclusif. Je me souviens des publicités United Colors de Benetton, parfois limites certes, mais qui nous réveillaient quand celles-ci, avec leur peuple uniforme d’allongés, nous endormiraient plutôt.

La confiscation “bien portante décomplexée” des possibles prodigieux de la tablette vantée – virtuellement libérateurs  à condition de pouvoir suivre – suggérée par les images choisies  a quelque chose de déplaisant. Ce n’est pas un progès “partagé par tous”, comme on dit à la SNCF, qui s’affiche, loin de là.

Scène de bus parisien avec digression d’actualité

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Dans le 27, sur une fraction du parcours Feuillantines/Nationale, devant moi une dame chignonnée grisonnante parle avec sa voisine à la silhouette plus jeune. Deux ex-collègues je le comprends vite, la plus âgée à la retraite, depuis plusieurs années, et la plus jeune toujours en activité dans la même administration.

Elles se sont rencontrées par hasard dans le 27 et en sont heureuses, surtout la retraitée, mais très vite leur conversation tourne à la rubrique nécrologique. Toutes celles et ceux qu’elles ont connus – qui au Service juridique, qui aux Affaires générales, etc – morts, de maladie le plus souvent, prématurément ces dernières années. Elles font le tour des bureaux et cela fait du monde. Elles s’en affligent, il y a de quoi, et cherchent longtemps, mais en vain, le vrai nom de “celle que tout le monde appelait Mickey”. De toutes ces morts de collègues, elles disent bien « sans avoir pu profiter de leur retraite ».

C’est ici que je digresse. Pour souligner par temps gros d’une réforme des retraites dont on ne veut pas – pas de cette injustice, alors qu’il y faudrait du discernement face à nos usures inégales, ni de cette morgue – le leurre de l’argument démographique appuyé sur l’allongement de l’espérance de vie. Parce que celle qui a considérablement crû, c’est l’espérance de vie à la naissance (du fait de l’heureuse chute de la mortalité infantile), pas celle qui reste quand on atteint les 60 ou 70 ans ; parvenus là, les gains sont quasiment stable depuis 1950. Il suffit d’ailleurs d’avoir passé le demi-siècle pour éprouver combien les rangs de celles et ceux avec qui l’on a un temps travaillé, ici ou là, ont vite fait de commencer à se clairsemer.

Je reviens dans le 27. Les deux dames aimeraient aussi se dire des choses plus gaies, prendre le temps, déjeuner ensemble, elles se le promettent : l’active à l’agenda plus rempli se chargera de proposer bientôt une date. Après l’été néanmoins. Place d’Italie, la travailleuse descend du bus, il est près de 14h, elle reprend.

Ensuite, il y a ce geste inabouti qu’a eu celle restée dans le bus, rendue à son inactivité et à sa solitude, douloureusement ressenti comme si je l’avais fait moi-même. Quelques secondes qui m’ont paru infinies mais, en fait, juste le temps que le 27 redémarre et reprenne un peu de vitesse, elle s’est figée, tournée souriante vers la vitre, la main en l’air prête à adresser encore un au revoir.  Sûre que son signe serait reçu, trouverait sa destinataire.

Il aurait suffit que celle hors du bus, filant droit devant elle, ralentisse un peu sa marche et se retourne. Elle ne l’a pas fait. Attente trompée. Lisibles, le renoncement et le dépit de l’autre, dans l’extinction amère du sourire et la main, levée pour rien, qui se repose sur un sac. Incertaine maintenant quant au déjeuner de septembre.

Bords des blés

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blés pas coupés

bleuets sur les bords

herbes folles

Poires pas encore pour la soif

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Les poiriers du jardin du Luxembourg, juste derrière la grille, le long de la rue Auguste Comte en face du lycée Montaigne, en hiver m’impressionnaient par leur taille rigoureuse,

au printemps ont fleuri, toujours aussi sévèrement domestiqués,

et cet été donnent leurs fruits que les jardiniers empaquettent soigneusement pour en préserver la maturation ; les feuilles poussées ont rendu un semblant de liberté aux branches des arbres.

Et les fruits passeront la promesse des fleurs : c’est peut-être le beau vers de Malherbe qui inspire aux jardiniers du Luxembourg en charge des poiriers leurs soins si attentionnés.

Longeant leur alignement, je me souviens du Traité d’arboriculture fruitière que consultait régulièrement mon père et revois ses installations de carafes dans les poiriers de son jardin normand. Carafes reposant sur de petites planchettes astucieusement fixées à l’arbre pour que les bourgeons emprisonnés à temps à l’intérieur veuillent bien y développer leurs fruits promis à vieillir dans l’alcool.

Post scriptum : il y a les noms de ces fruits qui m’intriguent aussi ; pour ceux que je déchiffre sur mes photos des trois saisons, les poires s’appellent Baronne de Mello, Délice Cuvelier, La Douce, Sucrée Rosée, Bon Chrétien Napoléon, Poire Citron…

Semaine 27 cinq jours en juillet

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Ma semaine ouvrable (au cas peu probable où Libé me la demanderait pour son édition de demain) ; je m’étais déjà livrée une fois à cet exercice sur le blog.

Lundi 5. Pour l’essentiel, la journée tend vers le rendez-vous de 18h30 à l’Atlantique avec Jérôme Wurtz pour parler de son travail cinématographique sur Billancourt et son histoire familiale qui, comme la mienne, passe par là mais venant d’Alsace et du Nord dans son cas. J’aime bien donner des rendez-vous à l’Atlantique, une brasserie idéalement placée pour qui fréquente la gare Montparnasse et se prêtant assez bien à travailler tranquille avec son espace à tables rondes relativement espacées et son wifi. Jérôme parti dans l’idée d’une adaptation d’Atelier 62 évolue vers un travail personnel, riche de sa propre histoire et de ses lieux à lui, comme le puissant 57, rue du Vieux Pont de Sèvres, auquel il intègre des éléments venant de mon “texte usine”, mes chapitres numérotés en romain. Il double ce travail de création d’un autre travail universitaire conduit avec un historien des techniques spécialiste de l’usine Renault de Billancourt dont il reconstitue les ateliers en 3D. Je suis heureuse de tous ces développements. Je lui ai apporté un exemplaire du CD de chansons de forgerons recueillis par Noëlle Gérôme que je possédais en double. Plus tard en soirée, constat de la disparition (à éclaircir) des poissons du petit bassin de l’entrée de l’immeuble sur lequel en tant qu’occupants du rez-de-chaussée et amis des bêtes nous veillons pour la collectivité (réduite à 4 appartements). Et pour finir un régal : le Don Giovanni retransmis en direct depuis Aix sur Arte dont nous approuvons la mise en scène / mise en questions par Dmitri Tcherniakov.

Mardi 6. “Sarkozy doit partir” c’est ce que je lis à la une de France Soir avant de comprendre que je prends mes désirs pour des réalités et que mes lunettes sont à changer une fois de plus. En fait ce qui barre la une de France Soir c’est : “Sarkozy doit parler” ; ça m’étonnait bien un peu, cette prise de position du rejeton de l’oligarchie russe actuel patron du journal. Aujourd’hui résultats du bac, mais je ne suis plus maternellement concernée, c’est fini pour nous depuis l’année dernière et je me revois recevant la bonne nouvelle assise à la terrasse d’un café face à la gare de Toulon. C’était la semaine de ma tournée des plages du Var. Un peu de monde aux portes des lycées proches de l’école qui abrite mon bureau, alors qu’hier j’avais trouvé le quartier particulièrement vide. Peu de suspense pourtant, je pense, pour les élèves scolarisés dans ces parages…  Sur mon chemin de retour, c’est twitter qui m’annonce la mise en ligne dans la revue été 2010 de remue.net du texte que j’ai lu lors de la récente nuit de lectures de l’association, juste avant de trouver le mail de Dominique Dussidour m’en informant. Quant aux poissons rouge en copropriété j’apprends sitôt rentrée qu’ils sont en villégiature dans une baignoire du deuxième étage pour cause de fuite insidieuse vidant leur bassin : ils ont failli finir sur le flanc.

mercredi 7. Pas tous les jours que je vais au bureau sous un chapeau de soleil : aujourd’hui oui et je le suspends derrière ma porte.

Mon directeur de labo (historien du théâtre qui n’a pas aimé le Don Giovanni de lundi soir et en particulier son “déclassement” de l’aristocratie XVIIIe à la bourgeoisie  XIXe – le décor unique en était un typique salon bourgeois) a la gentillesse de me signaler quand j’arrive qu’il vient de lire dans un ouvrage collectif récent Bourdieu et la littérature (mon directeur de labo est heureusement très ouvert à la sociologie, surtout bourdieusienne) un article citant Atelier 62 pour son inscription dans un courant actuel de récits de filiation empreints de l’apport du sociologue. Consultant sur internet sa table des matières, je me dis que l’auteur de cette contribution doit être Dominique Viart qui a déjà écrit ailleurs sur mon livre et m’avait invitée à son séminaire à Lille l’an dernier. Une descente à la librairie Compagnie à l’heure du déjeuner me le confirme. Je pousse jusqu’à la papèterie  la plus proche pour l’achat de mon agenda papier septembre/septembre, complément qui reste indispensable aux divers agendas à la technologie plus avancée dont j’use également. J’ai déjà des choses à écrire desssus, comme les dates du séminaire  Femmes au travail, questions de genre, XVe-XXe siècles, puisque je viens de bloquer les réservations de salles, une conférence à Beauvais en mars, ou les Rencontres à lire de Dax, le week-end du 1er mai au cours desquelles j’irai lire en bonne compagnie.

Jeudi 8. Je travaille chez moi : de l’avantage des chantiers qui, même conséquents, tiennent sur une clef USB. Ce n’est pas la chaleur qui me retient dans ma banlieue encore assez verte – j’avouerais même que j’aime qu’il fasse chaud – mais un rendez-vous banlieusard à 13 h. Dans ma ville et, plus précisément, tout près de la place terminus et correspondance de plusieurs lignes de bus où a été découvert il y a quelques semaines le cadavre d’une femme qui après autopsie s’est révélée être morte de mort naturelle. Si tant est qu’il soit naturel de mourir à la rue d’un cancer généralisé (à deux pas d’une clinique qui les traite), quelques mois après une expulsion ont dit les journaux. Je ne sais de cette affaire et de l’enquête que ce que j’en ai lu : fort peu de choses. Des ouvriers du chantier du tramway qui passera bientôt là pour filer vers Vélizy ont trouvé un matin son corps, en sous-vêtements, dans un terre-plein herbeux broussailleux, anciennement soigné et fleuri mais à l’abandon du fait des travaux. Longeant ces espaces pour me rendre à mon rendez-vous, je pense à elle, malade à l’extrême, venue se coucher là, au milieu des immeubles. Dans la salle d’attente où je passe une heure, il y a un écran de TV qui dégouline du journal de 13 heures de TF1. A chaque fois que je lève les yeux vers lui j’y vois des vacanciers béats sur des plages ou des supporters de football euphoriques : rien qui ressemble à nos soucis.

Vendredi 9. Je commence par récupérer (en demandant si ça ne dérange personne) l’article lu dans le Monde hier soir sur la saisonnalité des naissances pour son allusion au déficit du printemps 2004 renvoyant à la canicule d’août 2003. J’ai un dossier papier, un dossier immatériel et un fichier word baptisés “canicule” dans lesquels s’accumulent des articles et de la littérature grise glanés ici et. Plus tard au pub de l’angle Ulm/Gay Lussac, café avec PCH qui sort 2 livres de son sac. Le premier, Les trois saisons de la rage, écrit par son frère Victor, sortira en août et je le lirai pour sûr : c’est l’histoire d’un médecin de la campagne normande (ornaise) au XIXe siècle. Le second, Paris ville moderne, de Virginie Lefebvre, il me le donne, il y est question de l’aménagement des quartiers Montparnasse et Défense, de 1950 à 1975 ; je ne connaissais pas. PCH profite de son café en terrasse pour photographier le 129e lion de sa collection. Après-midi studieux à la BnF, salle N et donc loin de ma place préférée en salle V, parce que le format de la boîte contenant les Bulletins d’information de la RNUR de 1946 à 1959 ne rentre pas dans les petits chariots suspendus qui circulent de n’importe quel magasin à n’importe quelle salle de lecture. J’apprends dans le cours de mes dépouillements qu’une ouvrière soudeuse entrée à l’usine en 1911 est décorée de la légion d’honneur en 1955 : j’essaierai d’en savoir plus sur son compte.

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Vide ambulant avec convecteurs et porte

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Le camion arrêté boulevard Vincent Auriol, entre les stations Chevaleret et Quai de la Gare de la ligne de métro n°6, portait deux éléments de ces bureaux provisoires, baraquements de chantiers améliorés pour travaux d’envergure, qu’on appelle Algeco.

Mais il leur manquait des cloisons et les remorques transportaient surtout du vide ; vide souligné, rendu criant même, par la présence d’un convecteur par pièce et d’une porte pour accéder à l’une d’entre elles seulement. Il faudrait donc disposer ces deux cases de façon à ce qu’elles communiquent. Convecteurs et porte suffisaient à ce que ces parallélépipèdes rectangles tronqués donnent acte de leur destination : se faire bureaux temporaires à la porte desquels il y aurait lieu de frapper avant d’entrer et où l’on pourrait passer l’hiver si la mission s’éternisait. Il y manquerait néanmoins un porte-manteau perroquet dans un angle à quoi suspendre son  pardessus et son chapeau.

Tout le temps que le camion est resté dans mon champ de vision, la porte est restée fermée. Personne n’y a même simplement passé la tête juste pour voir.

Montparnasse Monde 50

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A votre droite, sens de la marche quittant Paris, un arbre s’inscrit si parfaitement dans une encoche faite aux immeubles qu’on en arriverait presque à croire que le maître d’oeuvre a élevé son bâtis autour de lui déjà là. Respectueux pour son antériorité dans le Montparnasse monde et prévoyant pour l’expansion encore à venir de sa ramure. L’ensemble immobilier, on l’imagine plutôt locatif – est-ce qu’on achèterait si près des voies ? – et plutôt social – la si grande proximité des rails minore sans doute le prix du loyer au m2 et peut-être la convoitise des bailleurs privés. J’imagine la frustration qui serait la mienne si je me trouvais, habitant là, à occuper l’un de ces deux ou trois appartements dont la vue sur les voies est occultée à la belle saison par les feuilles de l’arbre, quand les bourgeons ont livré tous leurs possibles. Mon intranquillité à l’approche de chaque printemps avec l’espoir anxieux que celui-ci sera tardif et mon soulagement à l’approche de l’automne.

Que l’on prenne la peine de soulever la gare et de la déplacer jusqu’à pouvoir la déposer sur un sol horizontal et le caractère bancal de l’édifice sautera aux yeux. Pas besoin de s’encombrer d’un niveau à bulle pour le confirmer. Elle penchera, prête à tomber, et de plusieurs côtés à la fois, un peu à la façon d’une toupie instable. Les chances que l’expérience se réalise  in vivo restent des plus ténues alors pour prendre toute la mesure du différentiel des dénivelés, entre accès latéraux Mouchotte et Vaugirard d’une part, ras de parvis et rez de Jardin Atlantique d’autre part, je compte des marches d’escaliers à l’ancienne ; le nombre de celles des escalators ne prouvera jamais rien. Donc, pour accéder latéralement au niveau quais selon que l’on pratique le côté Vaugirard ou le côté Mouchotte, 15 ou 36 marches sont à gravir ; quant au Jardin Atlantique auquel on accède sans effort, de plein pied, par la place des Cinq martyrs du lycée buffon et l’allée de la Deuxième D.B., le rejoindre depuis le parvis contraint à grimper les 40 marches qui mènent au niveau quais, puis les 65 de l’escalier qui le dessert partant de là. C’est dire si la gare déplacée du mont Parnasse à la plaine des Sablons aurait l’air de guingois. Mais inutile de rêver : je ne redresserai jamais la situation à moi toute seule.

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