J’entends d’ici les Diafoirus, le père, le fils, en choeur
- Le poumon
- Le poumon vous dis-je
- C’est ici qu’il habite !
le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
J’entends d’ici les Diafoirus, le père, le fils, en choeur
- Le poumon
- Le poumon vous dis-je
- C’est ici qu’il habite !
Comme moi désormais souvent scotchée à ma fenêtre sur le boulevard (j’habitais jusqu’à très récemment au bout d’une allée sans grand spectacle, ceci explique cela), mais elle réduite à sa plus simple absence d’expression, je l’ai aperçue ce jour vers 14 heures.
Quand je suis repassée vers 20 heures (j’avais fini ma journée) ma quasi voisine avait refermé sa croisée et s’était légèrement décalée vers la droite. Pourquoi ?
Elle m’a fait penser à la femme 100 têtes de Max Ernst. Le ciel avait changé lui aussi.
Additif : et ce lundi torride, à la croisée grande ouverte, elles étaient deux.
Très jolie idée, vraiment, que l’emploi de papier peint pour dissimuler avec élégance ces tristes plaques bouche-trous de trottoirs en attente de rebitumisation. Espérons que l’heureuse initiative du service en charge des solutions de continuité temporaires de nos trottoirs parisiens à l’oeuvre rue Gay-Lussac fera école. Moi j’ai toujours été sensible aux motifs de papiers peints.
(Une fois passée par là au matin m’est restée dans la tête pour la journée cette chanson de Bobby Lapointe, avec sa maison tapissée partout…)
Le marché qui s’y tient les mardi, jeudi et samedi n’est pas le moindre des agréments du boulevard sur lequel j’habite depuis peu. J’aime en particulier voir, vers 13 heures, s’empiler les cageots, les paniers et la marchandise remballée par le marchand de légumes dont l’étal est juste à la verticale de ma fenêtre. Un artiste en heureuses compositions dont nous autres dans les étages sommes les seuls à pouvoir goûter toute la saveur.
Un peu plus tard, autour d’amoncellements de hasard, cageots jetés en vrac avec leurs derniers fruits ou légumes oubliés ou trop défraîchis pour repartir pour un tour, c’est l’heure des glaneuses et des glaneurs.
Je gardais très présent à l’esprit le beau film d’Agnès Varda et son glaneur humaniste du marché Edgar Quinet, figure familière à qui fréquente assidument le Montparnasse monde, mais je n’imaginais pas que les glaneurs puissent être aujourd’hui à Paris aussi nombreux ni aussi dissemblables. Un défilé de silhouettes de tous âges et de toutes mises, mêlant ceux qui passent en voisins chercheurs d’aubaines à ceux venus de plus loin, ballottés d’un marché à l’autre au gré des jours de la semaine et à qui, hormis les restes récupérés en fin de marché, la vie ne fait pas de cadeaux.
Mon sang d’employée aux écritures n’a fait qu’un tour hier soir, passant devant la librairie Gibert Joseph, au vu de l’affichette prévenante placardée sur chacune de ses portes. Si vous souhaitez vous défaire d’un Bescherelle, d’un Grévisse, voire d’un Bled CP-CE1-CE2, courez leur vendre, ils en ont grand besoin.
Je descendais le boulevard Saint-Michel pour aller à l’Espace du même nom (cinéma où l’on ne peut payer sa place ni par carte bancaire ni par chèque – préparez votre monnaie) voir Entrée du personnel, film fort et terrifiant à bien des égards de Manuela Frésil. Il y est question du travail, de ses cadences et de ses effets dévastateurs sur la santé notamment musculo-squelettique des ouvriers et ouvrières dans les abattoirs de l’Ouest. (Et à propos de cadences et d’introduction de nouvelles machines qui sous couvert de progrès ne font que les accélérer, je croyais parfois entendre les gars du 62 évoquer leurs presses…)
Film à voir, bien sûr, dont je regrette juste qu’il soit dénué de contextualisation environnementalo-socio-économique – brèves allusions aux lois de la grande distribution et aux traites des maisons à payer mises à part. Mais comment traiter ce sujet sans en amont le relier à d’autres ravages à l’oeuvre sur la même terre, ceux de l’élevage intensif ? J’ai repensé à La vie moderne de Depardon et au beau Temps des grâces de Dominique Marchais, il me semble qu’avec celui de Manuela Frésil, ces films se complètent d’une certaine façon.
Entrée du personnel est d’abord un film sur le travail mais il dit aussi des choses sur notre rapport à la nature. Parce que si les bêtes entrent à l’abattoir sur leurs quatre ou deux pattes elles en sortent réduites en barquettes. Les images crues de l’industrialisation de leur mise à mort au service de nos assiettes suscitent nombre de questions, dont la moins dérangeante n’est pas : finalement, de ces bêtes, du personnel de l’abattoir et du consommateur, qui nourrit qui et à quel prix ?
Plaisir à annoncer, juste avant déconnexion pour cause de déménagement (et souvenir ému du forfait mensuel de 3h avec lequel on s’était connecté pour la première fois en 1999 à l’arrivée dans cet appartement que nous quittons – c’était un autre siècle), cette lecture collective du blog à la scène à laquelle Mathilde Roux m’a conviée à me joindre jeudi 2 mai à 19 heures à la bibliothèque Faidherbe.
Dénominateur commun des textes lus : tous suscités par les échanges de blogs à blogs du premier vendredi du mois, opération autrement dite vases communicants. Je n’en détaille pas les participants parce qu’il faut que je retourne scotcher mes derniers cartons, mais l’affiche vous aidera à les reconnaître.
Donc si vous êtes à Paris et avez toujours rêvé de savoir, par exemple, qui ouvre ses belles Fenêtres open space ou qui se cache Pendant le week-end, rejoignez nous jeudi soir…
Dans ces rues calmes qui irait s’imaginer ? A l’approche du printemps voilà que petits bonshommes rouges et petits bonshommes verts ne tiennent plus en place, rêvent d’escapades, se demandent ailleurs s’ils y sont et voudraient aller vérifier. A tel point que les services de la voirie – ou ceux de la circulation routière, je ne sais au juste – sont obligés de les attacher et que des rouleaux de scotch entiers y passent. Petits bonshommes rouges et petits bonshommes verts sont devenus fous à lier.
Dans le meilleur des cas parce que, pour certains, les plus remuants, rien à faire d’autre que d’étouffer toute aspiration aux voyages en leur bouchant la vue même sur le mur d’en face.
Art du chantier
de blanc tendu
qui m’enchante
samedi 9 février 2013, vers 10 heures 30 minutes, je passai par là
Je les entends d’ici les pleurs de l’enfant tiré si vigoureusement par la main hors du wagon de métro qu’il en lâche sa poignée de bonbons gélifiés qui ne trouvent rien de mieux à faire que d’aller se loger dans la rainure.
Et pas question de ramasser. Frites, oursons, billes multicolores perdus à jamais. “Je ne t’en rachèterai pas – même pas capable d’y faire attention – encore de l’argent fichu en l’air”.
Prendre un pot au bureau, c’est du déjà vu, prendre un pot pour en faire son bureau, c’est nouveau.
Le power point rafistolé juste avant la réunion a encore frappé. Et celui-là, non content d’en formater, écrase quelques pensées.