La vieillesse me tire par les cheveux
par les pieds
par la peau des deux pieds
me racornit
rend soucieuse
cassante
Haut / Bas / Fragile
sauvage
ongles bientôt griffes : n’approchez pas.
le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
La vieillesse me tire par les cheveux
par les pieds
par la peau des deux pieds
me racornit
rend soucieuse
cassante
Haut / Bas / Fragile
sauvage
ongles bientôt griffes : n’approchez pas.
Interloquée hier, dans les toilettes du TGV Est qui m’emmenait visiter le Centre Pompidou de Metz et ses expositions du moment – que je conseille : ce fut une belle journée – , par une précision que la SNCF, son chef de bord, son personnel d’accompagnement et les membres de l’Alliance Rail-Team, ont cru nécessaire d’accoler à un accessoire qui jusque-là, dans les toilettes ferroviaires, s’en passait très bien. Etonnée d’abord qu’un logisticien/signalétiqueur de trains en ait conçu l’idée et que du n+1 de cet employé créatif au Président de la Société Nationale celle-ci ait semblé suffisamment pertinente pour être mise en oeuvre avec attribution du budget idoine. A moins que ledit employé, amateur de littérature sud-américaine, ne l’ait emprunté à ce passage de Cent ans de solitude de Gabriel García Márquez au cours duquel les habitants de Macondo frappés d’un mal étrange leur faisant perdre la mémoire des choses et de leurs usages collent des étiquettes partout pour y remédier. Déconcertée aussi par le vocabulaire choisi, parce que le “papier hygiénique” me semble avoir été détrôné par le “papier toilette” des gondoles de supermarchés et par le “PQ” du langage courant des ménages. Sans compter que si l’on voulait s’en tenir au registre de l’hygiène et user de l’adjectif qui s’y rapporte, il convenait d’inverser le sens de l’accent sur le E. Bref une innovation qui ne m’a pas convaincue et pourtant j’aime les trains.
Ces temps-ci un homme, pas jeune, vient souvent dormir sur un banc entre contre-allée et boulevard. Il glisse un semblant d’oreiller sous sa tête et pose sur lui une large couverture de laine rose format lit pour deux personnes dont les pans flottent de chaque côté du banc. Il ne s’enveloppe pas et personne pour le border. Au pied du banc, posés, deux grands sacs plastiques dans lesquels il rangera son attirail une fois son somme fait, avant de disparaître du quartier aussi discrètement qu’il y est apparu. A certaines heures du jour et en fonction de l’ensoleillement, l’homme qui n’est pas remarquable sauf quand il dort sous sa couverture rose, se reflète dans la vitrine de l’une des nombreuses officines de pompes funèbres – j’en compte sept dans un rayon de moins de 5 minutes à pied – ceinturant les deux hôpitaux du quartier. (Profusion d’offre de services qui laisserait à penser quant à la confiance relative accordée à ces établissements). Sous un certain angle l’homme couché se reflète en surimpression des panneaux muraux latéraux de la boutique exposant au choix du client la gamme des cercueils et de leurs habillages. Du satin, de la soie qui sait ? Du doux et du moelleux dans une débauche de coussinets et de petits volants. Fugitive mais troublante surimpression du dormeur du banc au sommeil dépouillé de tout égard et des petits soins garantis au sommeil éternel par la Maison R*** qui sait y faire depuis le temps qu’elle bichonne chèrement les chers disparus. Paradoxe de ce confort, aussi vain que dispendieux, offert au repos des morts quand tant de vivants dorment aujourd’hui à la rue, la nuit le jour, comme et où ils peuvent, dans la ville.
Certes il fait chaud dans la ville et dans nos maisons dans la ville ces jours-ci, mais, de là à abandonner lâchement ses radiateurs au pied d’un arbre comme de beaux salauds leurs chiens au moment de partir en vacances, il y a encore de la marge. L’hiver tout en froidure reviendra, c’est sûr, et les propriétaires indélicats de ces calorifères regretteront leur mouvement d’humeur estival. Bien fait pour eux.
Tous les 36 du mois, guère plus, je me souviens que je suis titulaire d’un permis de conduire les véhicules de tourisme et probablement les camionnettes en deça d’un tonnage dont je ne me suis jamais inquiétée, m’astreignant à ne me déplacer qu’avec des charges tenant dans un sac à dos, au pire dans un charriot à commissions si vraiment trop lourdes. Non que, lâchant lâchement le guidon de ma bicyclette, je me saisisse ces jours-là du volant d’un de engin carrossé et motorisé mais tout simplement à l’occasion du paiement par chèque d’une somme suffisamment conséquente pour qu’au passage en caisse il me soit réclamé deux pièces d’identité. Car de petite envergure dans mes moyens de locomotion je le suis également dans mes moyens de paiement : je suis restée fidèle aux chèques en papier qui présentent l’avantage d’être reliés en carnet offrant ainsi leurs souches à l’écriture, des informations relatives à la dépense certes, mais également de toute autre chose de moins de 24 cm2 urgente à consigner. Je paie par chèque et continuerai de le faire tant que ma banque postale m’en renouvellera les carnets (sans même que je les lui commande : elle sait à qui elle a à faire). Sans vouloir me vanter de ma collection, je précise à qui s’intéresserait à l’évolution des carnets de chèques de ces quatre dernières décennies, que j’ai conservé tous les talons des carnets utilisés depuis le tout premier, étrenné ou presque (chèque n°3 du 20 janvier 1975, le n°2 ayant été annulé, la petite croix signifie que le chèque a été encaissé) par l’achat d’une leçon de conduite. A la caisse, pendant que je signe mon chèque avalé/recraché/réavalé/rerecraché par l’imprimante autant que de besoin pour faire bonne impression, si derrière moi la queue s’allonge et trépigne, tant pis pour eux. D’ailleurs le plus souvent, ma carte nationale d’identité délivrée par la sous-préfecture d’Antony suffit à asseoir ma crédibilité. Mais quand il m’arrive, rarement – mes moyens ne me permettent pas d’en faire une habitude -, d’effectuer une emplette imposant que je déploie un volet supplémentaire de mon parte-carte pour en extraire le document cartonné rose qui redoublera la confiance de mon débiteur, je me souviens qu’autrefois, dans les temps où je recevais mon premier carnet de chèques par lettre recommandée à aller retirer en mains propres au bureau de poste qui existait encore dans le centre commercial qui existait encore de la cité de la Plaine, j’ai passé cet examen du permis de conduire (et même à plusieurs reprises). M’y préparer m’ayant radicalement passé l’envie d’en faire usage par la suite, mon permis est intact, ses points tiennent bon, je ne m’en suis jamais servie.
Vue aérienne de ma collection de talons de chéquiers rangés sur deux épaisseurs dans une boîte carrée en métal de biscuits Delacre.
Une version antérieure de ce texte avait été confiée à l’anonyme et collectif Convoi des glossolales le 5 août 2011.
L’employée aux écritures a déjà fait part ici de la satisfaction éprouvée à disposer depuis son dernier déménagement d’un marché sous sa fenêtre les mardis, jeudis et samedis matin ; celui du samedi dépassant en ampleur ceux des deux autres jours. Un marché, qui plus est, aux commerçants plus sympathiques et pour certains moins chers que ceux auxquels elle s’approvisionnait dans sa vie antérieure banlieusarde.
Et voici que ce matin, ma marchande de fruits favorite, composant des corbeilles bien garnies à 1,50 € dont le contenu varie au fil des saisons, me fait part de son absence la semaine prochaine : elle part en vacances. Destination : la fête des citrons à Menton. Ce qui est somme toute parfaitement cohérent avec la grande conscience professionnelle dont elle fait preuve. Donc, bonnes vacances et bonne fête à elle et aux citrons !
Je lui en ai quand même acheté six pour ne pas risquer la rupture de stock s’ils se sont tous donnés rendez-vous à Menton la semaine prochaine, les citrons et leurs marchandes.
Photo ci-contre : les six citrons achetés pour parer à toute éventualité de pénurie rangés, comme toujours, dans les petits cases à oeufs de la porte du frigo. Ma cuisine étant assez insipide je la relève volontiers avec du citron.
Post scriptum : A propos de citrons, cet heureux souvenir du cahier de CP ou de CE1 de notre fils aîné qu’il nous revenait de signer chaque samedi et sur lequel dans un exercice de reconnaissance des fruits et légumes, à la question : “quel fruit jaune et acide accompagne souvent le poisson ?” il avait poétiquement répondu : la cerise.
On comprend pourquoi.
Au moins il restera un billet de janvier 2015 dans les archives de L’employée aux écritures : il était temps que je m’aperçoive que le dernier datait du 29 décembre de l’année dernière. Une éternité. Mais il faut dire que ce janvier le coeur n’y était pas et qu’on en a passé du temps à lire les journaux, à essayer de comprendre.
Là-bas, ces jours derniers, par devant notaire j’ai vendu ma maison. Je photographie avant de partir tous les panneaux de sorties de ville, sauf un. Je me laisse une porte ouverte pour y refaire de temps en temps une apparition. Pas trop souvent ni trop longtemps : je m’ennuie à la campagne, c’est une des raisons pour lesquelles j’ai vendu la maison que je possédais dans ma cité natale. La maison se situait dans le bourg, à un carrefour. Mais même là, j’ai fini par m’ennuyer : il y a de moins en moins de vie dans nos bourgs de campagne.
Une autre des raisons, et non la moindre, pour laquelle j’ai vendu ma maison est la suppression depuis le 1er janvier 2014 du service de taxi collectif, seul forme – sous conditions d’horaires et réservation – de transport public desservant cette localité ayant la mauvaise fortune de se situer à la limite de l’Orne et de la Mayenne, donc de la Basse-Normandie et des Pays de Loire.
Absurdité de la situation : côté Orne, venant en train de Paris-Montparnasse-Vaugirard à Flers (ce qui en soi est déjà presque un exploit tant la ligne Paris-Granville est peu fiable) vous trouvez un autocar qui vous amène pour 2 euros à Domfront, mais il vous reste 10 km à parcourir pour atteindre Céaucé ; côté Mayenne, venant en TGV de Paris à Laval vous trouvez deux autocars qui vous amènent pour 2 euros de Laval à Mayenne puis de Mayenne à Ambrières-les-Vallées, mais il vous reste aussi 10 km à parcourir pour atteindre Céaucé. Entre les deux, rien de rien. Paradoxe des temps : jusqu’à la mise en place du TGV Ouest, un autocar assurait quotidiennement la liaison Laval-Domfront, se jouant des frontières de départements et régions… Je doute malheureusement que la réforme territoriale en cours empêche les uns et les autres de continuer à s’ignorer superbement.
Pour vendre et vider ma maison, j’y suis allée six fois depuis mai dernier. J’ai calculé que ces 6 voyages m’ont coûté, SNCF et taxis complémentaires compris, 832 euros soit un aller-retour Paris-New York.
Il y avait un ruisseau, il fallait le franchir. Construire un pont tombait sous le sens.
La chance, c’est qu’au village, pas loin, ils avaient enterré les fils électriques et sur les bras leur restaient des poteaux.
Alors d’une pierre deux coups : faire le pont et s’en débarrasser. C’est du solide.
Ni vu ni connu, les gravillons bouchent les trous, à moins qu’un jour le ravinement rende les alvéoles à la lumière, à la pluie et aux entorses. Dans ces jours de juillet où se construisait le pont, de bric de broc de bois et de béton, deux grands oiseaux blancs étaient apparus aux abords du ruisseau et du plan d’eau qui s’en gorge,
Des cousines éloignées de mon héron de bureau. Elles étaient seulement de passage. La semaine dernière j’y suis retournée mais je ne les ai pas revues. Le pont est toujours là.
Ajout du 28 septembre 2014 : ce billet a une suite, ici.
Toute ressemblance avec des événements et des personnages réels ne saurait être fortuite
j’ai tout vu de ma fenêtre.
jusqu’à la nature reprenant ses droits contre les usages ludiques, conviviaux ou marchands de la souche.
(Sous ma fenêtre les mardi, jeudi, samedi se tient le marché.)
Ajout du 28 septembre 2014 : ce billet a une suite, ici.