Je refuse de me laisser parquer banlieue, question de principe. D’où que j’arrive, parvis ou métro, je résiste aux injonctions de couper au plus court vers mon « Transilien » – pour parler comme eux. J’évite à tout prix le filtrage par la batterie de composteurs du niveau Virgin confinant, une fois franchie, au pauvre espace de relégation, rien qu’à nous, dont l’unique Relay maigrichon est fermé le samedi. Magasin de vêtements “Tout compte fait” dont je n’ai plus l’usage – ils s’arrêtent au 14 ans et à 10 ils n’en veulent déjà plus de ces habits-là – et sinistre buvette pour seules autres aménités. Ne pas se laisser piéger comme des bleus : qu’est-ce qu’on fera là si le train ne part pas ? Et le Navigo qui ne voudra pas vous rouvrir la porte dans l’autre sens, et les complications qui s’en suivront.
Partie de train restant en gare : vacherie réservée certaines heures aux banlieusards et il faudrait s’en souvenir de ces heures. Brimade propre aux voies 10 à 17 incluses. On arrive en courant - pourtant nos sacs de travail et ceux à commissions pèsent lourds – plein d’espoir encore, le signal sonore d’imminence du départ retentit, l’affichage en bout de quai tourne la page (chaque petite plaque de lettre défilant alphabétiquement pour composer la prochaine destination ou provenance) et c’est pour buter – sans plus aucun souffle – sur cette misérable potence. Comprendre qu’il est trop tard pour atteindre l’autre moitié du train qui, elle seule, non solidaire de la partie caudale du convoi, s’ébranlera. Et qu’il ne reste plus qu’à aller se faire pendre ailleurs.