L'employée aux écritures

le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735

RSS Feed

"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux

D’une épidémie l’autre : Paris juillet 1782

Comments Off
Posted by ms on 19 mars 2020 at 13:44

Le volume 7 de la publication du journal tenu par le libraire parisien Siméon Prosper Hardy de 1753 à 1789 sous le titre Mes loisirs ou journal d’événemens tels qu’ils parviennent à ma connoissance, vient de paraître chez Hermann. Il s’agit d’une édition pour la première fois intégrale du manuscrit à laquelle j’ai le bonheur de collaborer. Les volumes papier sont accompagnés d’un site internet mettant à disposition les index. Ce septième volume porte sur les années 1781 et 1782, et justement, en 1782 :

Du vendredi cinq juillet : Espèce d’épidémie répandue à Paris après avoir circulé dans l’Europe.

Ce jour une maladie qu’on prétendoit avoir circulé dans presque toute l’Europe, que les uns appelloient la Coquette du Nord, comme ayant commencé par la Russie, d’autres la Générale, et d’autres encore, la Royale ou la Lévite ; consistant en rhume, mal de gorge et fiebvre, mais qui par bonheur n’étant pas intraitable, moissonnoit peu d’individus, se faisoit sentir dans notre capitale, au point qu’il n’existoit pas, pour ainsi dire, de maison où l’on n’entendît quelqu’un se plaindre d’en être tourmenté. Bien des gens avoient l’esprit frappé qu’une sorte de contagion se répandoit dans l’air et portoient en conséquence par précaution des gousses d’ail dans leurs poches. Parce qu’ils avoient entendu raconter, qu’il étoit entré dans un de nos ports de mer un vaisseau empesté dont les marchandises vendues sans qu’on s’en fût apperçu, avoient porté l’air contagieux en différents endroits. On asseuroit aussi que l’épidémie étoit devenue considérable à l’Hôtel-Dieu, ainsi que dans la prison des galériens dite de la Tournelle size porte Saint Bernard, où il venoit de mourir en peu de jours dix-neuf personnes du charbon, parmi lesquelles se trouvoit même compris le concierge de la dite prison ; comme on prétendoit encore que dans les collèges de Louis le Grand et de Montaigu où nombre de jeunes gens étoient pris de la maladie courante, il avoit été fait dans une chambre où ils étoient plusieurs réunis une expérience pour s’asseurer de la nature de l’air, d’après laquelle on avoit acquis la certitude qu’il étoit effectivement malfaisant et contagieux.

Du dimanche quatorze juillet : Continuité et progrès du rhume épidémique surnommé, la Carmélite ou l’Influence : comment on traitoit les personnes qui en étoient attaquées.

Ce jour le rhume épidémique qui après avoir successivement tourmenté les habitants de la Russie, ceux de la Suède, du Dannemarck et de la Pologne, enfin ceux de l’Italie et de l’Angleterre circuloit en France depuis quelque tems, continuoit de parcourir tous les états dans notre capitale, et de s’y reposer sur presque toutes les têtes, au point que dans une seule famille, dans une seule maison, on trouvoit journellement plusieurs membres devenus ses tributaires, et que ceux qu’on avoit vu la veille triompher et se vanter de n’être pas encore rangés, parmi les infirmes à la mode, étoient tout étonnés de se voir le lendemain frappés à leur tour. Cependant un fort petit nombre de personnes parmi lesquelles on en citoit quelques unes qu’on avoit saignées, étoient jusqu’à ce moment devenu ses victimes en payant à la nature le dernier tribut. On se tiroit d’affaire le plus ordinairement en buvant de l’eau de Bourache avec du miel, en faisant diète et en provocquant la sueur ; quelque-fois aussi en prenant l’air et se promenant beaucoup à l’instigation des médecins. Les gens de travail, d’un tempérament vigoureux se bornoient à employer le vin et le succre, restant vingt-quatre heures au lit, quelques uns même ajoutoient la canelle et la muscade. Le nom actuel de ce rhume singulier et de nouvelle espèce, car déjà il en avoit porté plusieurs, comme on l’a vu plus haut article du 5 du présent mois de juillet, étoit la Carmélite, ou l’Influence. On rapportoit que cette maladie donnoit lieu à une telle consommation de bourache qu’on avoit vu vendre à la halle jusqu’à quinze louis une voiture chargée de cette plante.

Et le 25 juillet Siméon Prosper Hardy nous apprend encore que le sieur Lenoir conseiller d’Etat, lieutenant général de police, venoit de suspendre ses audiences pendant trois jours, ayant été attaqué comme le plus grand nombre des habitans de la capitale de l’épidémie intitulée la Coquette du nord [...]

TOUTE RESSEMBLANCE ETC semble assez pertinente, sauf sur le point des remèdes conseillés sans garantie aucune d’efficacité, et même à ne risquer en aucun cas quand il s’agit de se promener beaucoup. N’en faites rien ! RESTEZ CHEZ VOUS ! Et en attendant de retrouver vos libraires et bibliothèques favorites, allez donc jeter un oeil sur le manuscrit de Prosper Siméon Hardy grâce à Gallica, la meilleure amie des jours confinés.

Filed under du XVIIIe siècle
Both comments and pings are currently closed.

0 Comments

Pingbacks / Trackbacks

Rubriques du blog

Recherche

Archives du blog depuis avril 2008

Sur Twitter

tous textes et photos copyright Martine Sonnet, sauf mention spéciale
var _gaq = _gaq || []; _gaq.push(['_setAccount', 'UA-25117361-1']); _gaq.push(['_trackPageview']); (function() { var ga = document.createElement('script'); ga.type = 'text/javascript'; ga.async = true; ga.src = ('https:' == document.location.protocol ? 'https://ssl' : 'http://www') + '.google-analytics.com/ga.js'; var s = document.getElementsByTagName('script')[0]; s.parentNode.insertBefore(ga, s); })();