L'employée aux écritures

le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735

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"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux

Archives for variétés parisiennes

Mercredi, septembre, cinquième arrondissement

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Les enfants du cinquième arrondissement le mercredi, dès neuf heures le matin, sur les trottoirs des rues calmes du cinquième arrondissement, cheminent. Enfants uniques ou petites grappes de deux, trois, ou quatre, escortés d’une jeune fille ou d’une grand-mère avec laquelle ils conversent d’égal à égal. Enfants porteurs de raquettes ou violons sous étuis, bombes sur la tête, bottes aux pieds, justaucorps et chaussons dans sac de danse, feuilles de papier canson dans cartons au format demi-raisin, en marche vers leurs leçons de tennis, de musique, d’équitation, de danse, ou de dessin. Et, qui sait, moins ostensiblement, de catéchisme ? Les emplois du temps des enfants du cinquième arrondissement bannissent l’oisiveté. Début d’année scolaire : inscriptions toutes fraîches – à grand renfort d’attestations d’assurances, justificatifs de domicile, certificats médicaux de non-contr’indication – et efffectifs au complet. Viendra la mauvaise saison, avec elle la fatigue, les frimas et les épidémies ; les trottoirs des rues calmes du cinquième arrondissement, le mercredi, seront moins courus. Mais subsiteront ici et là, à demeure sans domiciles, les hommes couchés des encoignures, leurs duvets et leurs ballots.

Au creux de l’angle Feuillantines/Pierre Nicole, le chat noir

Post scriptum j’ai créé la catégorie “variétés parisiennes” pour ce genre de billets : archives revisitables.

sept 24, 2010

Scènes d’une boulangerie parisienne

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Les scènes se passent dans une boulangerie de la rive gauche, sur un boulevard de mon itinérance quotidienne Cette boulangerie n’a jamais été sympathique mais propose de bons financiers à la pistache et j’aime bien, d’une part, les financiers, d’autre part, tout ce qui est à la pistache.

Acte I, à la veille des dernières petites vacances de printemps de la zone C : comme je me trouve dans la boutique, les deux jeunes vendeuses parlent entre elles à mots couverts mais je comprends que leurs patrons les soupçonnent de distraire de la monnaie de la caisse.

Acte II, à la rentrée de ces même congés, jour de réouverture de la boulangerie : queue jusque sur le trottoir mais je prends mon tour et quand il arrive je comprends pourquoi l’attente et les étranges bruits de jackpot : une machine infernale dans laquelle il faut introduire ses pièces et qui rend automatiquement la monnaie trône sur la caisse ; personne n’y comprend rien et les vendeuses en réexpliquent le fonctionnement à chaque client.

Acte III : après avoir un certain temps évité la boutique, le jour où ma gourmandise l’emporte je paie mon financier à la pistache avec le plus gros billet à ma portée (20 euros) par esprit de rébellion contre une technologie prétendument hygiéniste à l’égard des clients mais surtout suspicieuse envers le personnel ; je constate qu’une affichette explicative a été collée sur l’appareil antipathique, spécifiant d’introduire les pièces LENTEMENT et UNE PAR UNE dans la fente (comme les billets de train dans les composteurs).

Acte IV, hier matin : je me demande si la machine a passé l’été, déroge à mon boycott et règle mon achat avec un billet de 5 euros – les temps sont durs ; mais grande est ma jubilation à la lecture de la nouvelle affichette apparue sur l’engin démoniaque, ajoutant aux recommandations antérieures la demande expresse d’attendre calmement le retour des pièces dues et de NE PAS TAPER SUR LA CAISSE.

Trop prise au dépourvu pour pouvoir photographier discrètement ; une autre fois peut-être. Et puisque j’y pense, à propos des boulangers parisiens, j’en profite pour suggérer de lire le beau livre que l’historien américain Steven L. Kaplan, a consacré à ceux du XVIIIe siècle, Le meilleur pain du monde : les boulangers de Paris au XVIIIe siècle.


sept 9, 2010

Souvenirs des photos d’une exposition

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A la veille de sa fermeture, il était bien temps,  j’ai visité l’exposition des photos d’Irving Penn, ses Petits métiers, à la Fondation Cartier-Bresson. J’ai un peu regretté (et je n’étais pas la seule) que les tirages présentés soient si sombres. Fort contraste de ces “cris de Paris”, comme on les aurait appelés au XVIIIe siècle, sur les murs blancs des salles d’exposition.

Présent à Paris en 1950 pour photographier les défilés haute couture  à la demande du magazine Vogue, Irving Penn en profite pour convoquer dans son studio de la rue de Vaugirard,  en tenue de travail et avec tous leurs outils, des travailleurs et travailleuses repérés dans les rues de la capitale et dont il pense que les activités disparaîtront bientôt (il les dédommage du manque à gagner le temps de la pause).

La série des petits métiers amorcée à Paris est continuée à Londres et à New York selon les mêmes principes et c’est une “internationale ouvrière” que le photographe nous dresse, rejoignant August Sander et sa galerie des Hommes du XXe siècle ou François Kollar et son portrait de la France laborieuse à la veille du Front Populaire.

On peut, alors que l’exposition a fermé ses portes, retrouver les photos exposées (avec d’autres) dans le livre Irving Penn, Small Trades, qui faisait office de catalogue mais que je n’ai pas acheté. De ma visite à la Fondation Cartier-Bresson, un lieu collé au Montparnasse monde dans une impasse que je ne connaissais pas, impressions restées vives de

la maigreur du marchand de concombres : ses bras plus maigres que ses concombres, son tatouage d’un visage féminin (vague ressemblance avec Louise Brooks) dessiné sur ses côtes saillantes et le trou au genou droit de son pantalon ;

la bonne tête de l’équarisseur au chapeau : on irait presque confiant se mettre sous la scie qu’il tient à bout de bras ;

la complicité des deux garçons bouchers, se tenant par les épaules, et leurs longs tabliers chiffonnés maculés ;

l’invisibilité du technicien du gaz, visage dissimulé sous un masque à la technologie complexe, plein d’appendices, et la combinaison gommant son corps ;

la décontraction du soudeur, lui, le casque relevé, le masque baissé, et la jambe en avant ;

les chaussures impeccables du couple de cordonniers, elle et lui portant lunettes, et comme elle tient serré son mari ;

la fierté du terrassier, vieil homme portant veste et gilet, une main dans la poche du pantalon, l’autre posée sur l’extrêmité du manche de pioche ;

la lassitude du charpentier, un outil dans chaque main et un bout de planche serré sous chaque bras ;

le long collier-étalage du marchand d’oignons breton : si j’aimais les oignons c’est à lui, et à nul autre, que je me fournirais ;

l’air désabusé du réparateur de faïence, assis, tablier sur les genoux et dans chaque main un morceau à recoller ; ses outils et sa colle disposés au sol autour de lui ;

la concentration du couple de professeurs de danses de salon ;

les rayures des chaussettes et du pull du contorsionniste : mais comment son chapeau tient-il dans son improbable posture ? ;

les bas résilles de la danseuse de cabaret ;

les décorations arborées par le gardien de parc et les guerres qu’il a dû faire ;

le mètre ruban autour du cou de la couturière et la longue aiguillée de fil blanc piquée en haut de sa blouse noire ;

les plis impeccables du tablier de l’infirmière, la raideur de sa coiffe et de son col ;

toutes les épaisseurs superposées dont il faudrait venir à bout avant de parvenir à toucher enfin la peau du vendeur de peaux de chamois ;

le sourire en coin du chiffonnier ;

le sourire narquois du sommelier, sûr de la bonne bouteille qu’il tient en main, mais dont il sait bien qu’elle n’est pas pour nous ;

les mauvaises dents qu’on devine aux deux femmes de ménage se tenant par le bras et chacune son sceau en tôle, les brosses dedans, de l’autre côté.

(Et une fois n’est pas coutume : j’ai emprunté la photo sur un blog d’actualités photos de Los Angeles ; rien de plus facile que d’en trouver d’autres)

juil 27, 2010

Scène de bus parisien avec digression d’actualité

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Dans le 27, sur une fraction du parcours Feuillantines/Nationale, devant moi une dame chignonnée grisonnante parle avec sa voisine à la silhouette plus jeune. Deux ex-collègues je le comprends vite, la plus âgée à la retraite, depuis plusieurs années, et la plus jeune toujours en activité dans la même administration.

Elles se sont rencontrées par hasard dans le 27 et en sont heureuses, surtout la retraitée, mais très vite leur conversation tourne à la rubrique nécrologique. Toutes celles et ceux qu’elles ont connus – qui au Service juridique, qui aux Affaires générales, etc – morts, de maladie le plus souvent, prématurément ces dernières années. Elles font le tour des bureaux et cela fait du monde. Elles s’en affligent, il y a de quoi, et cherchent longtemps, mais en vain, le vrai nom de “celle que tout le monde appelait Mickey”. De toutes ces morts de collègues, elles disent bien « sans avoir pu profiter de leur retraite ».

C’est ici que je digresse. Pour souligner par temps gros d’une réforme des retraites dont on ne veut pas – pas de cette injustice, alors qu’il y faudrait du discernement face à nos usures inégales, ni de cette morgue – le leurre de l’argument démographique appuyé sur l’allongement de l’espérance de vie. Parce que celle qui a considérablement crû, c’est l’espérance de vie à la naissance (du fait de l’heureuse chute de la mortalité infantile), pas celle qui reste quand on atteint les 60 ou 70 ans ; parvenus là, les gains sont quasiment stable depuis 1950. Il suffit d’ailleurs d’avoir passé le demi-siècle pour éprouver combien les rangs de celles et ceux avec qui l’on a un temps travaillé, ici ou là, ont vite fait de commencer à se clairsemer.

Je reviens dans le 27. Les deux dames aimeraient aussi se dire des choses plus gaies, prendre le temps, déjeuner ensemble, elles se le promettent : l’active à l’agenda plus rempli se chargera de proposer bientôt une date. Après l’été néanmoins. Place d’Italie, la travailleuse descend du bus, il est près de 14h, elle reprend.

Ensuite, il y a ce geste inabouti qu’a eu celle restée dans le bus, rendue à son inactivité et à sa solitude, douloureusement ressenti comme si je l’avais fait moi-même. Quelques secondes qui m’ont paru infinies mais, en fait, juste le temps que le 27 redémarre et reprenne un peu de vitesse, elle s’est figée, tournée souriante vers la vitre, la main en l’air prête à adresser encore un au revoir.  Sûre que son signe serait reçu, trouverait sa destinataire.

Il aurait suffit que celle hors du bus, filant droit devant elle, ralentisse un peu sa marche et se retourne. Elle ne l’a pas fait. Attente trompée. Lisibles, le renoncement et le dépit de l’autre, dans l’extinction amère du sourire et la main, levée pour rien, qui se repose sur un sac. Incertaine maintenant quant au déjeuner de septembre.

juil 21, 2010

Poires pas encore pour la soif

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Les poiriers du jardin du Luxembourg, juste derrière la grille, le long de la rue Auguste Comte en face du lycée Montaigne, en hiver m’impressionnaient par leur taille rigoureuse,

au printemps ont fleuri, toujours aussi sévèrement domestiqués,

et cet été donnent leurs fruits que les jardiniers empaquettent soigneusement pour en préserver la maturation ; les feuilles poussées ont rendu un semblant de liberté aux branches des arbres.

Et les fruits passeront la promesse des fleurs : c’est peut-être le beau vers de Malherbe qui inspire aux jardiniers du Luxembourg en charge des poiriers leurs soins si attentionnés.

Longeant leur alignement, je me souviens du Traité d’arboriculture fruitière que consultait régulièrement mon père et revois ses installations de carafes dans les poiriers de son jardin normand. Carafes reposant sur de petites planchettes astucieusement fixées à l’arbre pour que les bourgeons emprisonnés à temps à l’intérieur veuillent bien y développer leurs fruits promis à vieillir dans l’alcool.

Post scriptum : il y a les noms de ces fruits qui m’intriguent aussi ; pour ceux que je déchiffre sur mes photos des trois saisons, les poires s’appellent Baronne de Mello, Délice Cuvelier, La Douce, Sucrée Rosée, Bon Chrétien Napoléon, Poire Citron…

juil 13, 2010

Vide ambulant avec convecteurs et porte

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Le camion arrêté boulevard Vincent Auriol, entre les stations Chevaleret et Quai de la Gare de la ligne de métro n°6, portait deux éléments de ces bureaux provisoires, baraquements de chantiers améliorés pour travaux d’envergure, qu’on appelle Algeco.

Mais il leur manquait des cloisons et les remorques transportaient surtout du vide ; vide souligné, rendu criant même, par la présence d’un convecteur par pièce et d’une porte pour accéder à l’une d’entre elles seulement. Il faudrait donc disposer ces deux cases de façon à ce qu’elles communiquent. Convecteurs et porte suffisaient à ce que ces parallélépipèdes rectangles tronqués donnent acte de leur destination : se faire bureaux temporaires à la porte desquels il y aurait lieu de frapper avant d’entrer et où l’on pourrait passer l’hiver si la mission s’éternisait. Il y manquerait néanmoins un porte-manteau perroquet dans un angle à quoi suspendre son  pardessus et son chapeau.

Tout le temps que le camion est resté dans mon champ de vision, la porte est restée fermée. Personne n’y a même simplement passé la tête juste pour voir.

juin 30, 2010

Des vélos, des bureaux, c’est beau

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Aujourd’hui juste une sur le chemin du matin

(j’aurais voulu féliciter les 4 cyclistes pour leur sens de la composition et des couleurs, mais peut-être qu’ils ne se connaissaient pas et ne l’avaient pas fait exprès)

et une sur le chemin du soir

(j’aurais voulu entendre ce que disait l’homme dans son téléphone

- je ne suis pas sûre qu’il parlait de son travail)

entre les deux il y avait eu de la vie de bureau et de la vie de bibliothèque

fév 23, 2010

Tour du jour en six images

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D’abord c’était rue Delambre l’hôtel qui rénovait ses canapés

et puis rue Henri-Barbusse je marchais exceptionnellement

sur le trottoir des numéros impairs, celui du luthier

le pignon de l’hôtel entre les rues de l’Ecole de médecine et Racine

qu’on avait commencé à gratter, mais seulement d’un côté des fenêtres c’est pour Anne

rue de Seine la galerie aux images de fer qui m’intéresseraient bien

n’ouvre que du mardi au samedi de 11 à 18 h – je repasserai

quittant l’hôtel de la Monnaie, où j’étais allée lire des autobiographies professionnelles au Comité pour l’histoire économique et financière, je chipais cette vue sur les toits parisiens, orientée comme il se doit vers Montparnasse

monde bleu, à cette heure, que je rejoignais bientôt

(pour PdB le bleu et pour Jérôme W la ligne rouge dont on parlait l’autre jour à l’Atlantique)

fév 22, 2010

D’une apparition : Pessoa, rue Soufflot

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Sur le trottoir de la rue Soufflot, côté des numéros impairs, à hauteur de l’antique pharmacie Lhopitallier – un décor qui lui allait comme un écrin – , j’ai croisé Fernando Pessoa. Il était 14h40 – j’ai regardé ma montre.

Fernando Pessoa, un peu vieilli mais toujours même chapeau, mêmes lunettes, même moustache, même manteau, et son mince cartable. La différence est qu’en ce lieu et à ce moment précis, 14h40 devant la pharmacie Lhopitallier, il tenait ce dernier par la poignée, lui causant un léger balancement, et non plus serré immobile sous son bras. Marchant du même pas, l’esprit occupé de ce qu’il écrirait tout à l’heure à Ophélia.

Fernando Pessoa, tel qu’en son éternelle intranquillité, mais en couleurs : son manteau est étonnamment bleu marine. Tant d’images de lui en homme gris, aux souliers noirs vernis, foulant les tout petits pavés carrés blancs de Lisbonne.

En y repensant, il me semble bien qu’il a renoncé au noeud papillon – seule infidélité concédée à lui-même.

Je ne sais pas où il avait laissé sa malle (et tous ceux qui grouillent enfermés à l’intérieur), mais je dirais bien à l’hôtel des Grands Hommes, parce qu’il faut bien un point de départ.

oct 20, 2009

Métro Muette (et presque sans parole)

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Les noms sur les affiches de spectacles auxquels se raccrocher, qui disent encore quelque chose, comme Gaby Morlay ou Maurice Baquet,

et puis un peu plus loin sur le même quai, l’affichette qui permet de dater la peau sous la peau du métro, retourner en été 1963.

Blog d’été, blog imagé.

juil 25, 2009

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