Corps couché
en travers de ma route
ni gendarme
ni d’âne un dos rond
corps couché
familier
je le reconnais
dame, c’est le mien
(sans pour si peu
arrêter ma course folle
auto destructrice)
le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735
"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux
Corps couché
en travers de ma route
ni gendarme
ni d’âne un dos rond
corps couché
familier
je le reconnais
dame, c’est le mien
(sans pour si peu
arrêter ma course folle
auto destructrice)
Cette fin août, la revue Tiers Livre création & découverte en ligne accueille une version révisée des quatre dialogues que m’avait suggérés un des tableaux de la série des Repasseuses d’Edgar Degas conservé au musée d’Orsay.
On peut le lire ici, en libre accès.
Mon texte avait été initialement écrit sous le titre « Non mais, t’as vu le tableau ? » pour la série « 2 voix, 4 fois 5 minutes » de l’émission Les Passagers de la nuit de Thomas Baumgartner, et diffusé sur France Culture du 24 au 27 mai 2010. J’avais parlé de son écriture sur le blog à l’époque.
L’employée aux écritures, pas encore en vacances mais pas non plus bien active sur son blog bien qu’assez occupée à écrire ces temps-ci, ouvre ses carnets, pioche dedans et vous sert quelques unes de ses sornettes.
Après vérification dans mon petit Robert le terme, certes vieilli, convient : Sornette : propos frivoles et creux ; affirmations qui ne reposent sur rien. C’est bien de cela qu’il s’agit et le mot s’emploie surtout au pluriel, donc en voilà dix pour faire bonne mesure.
*****
Je vous sers mon élixir de mots : n’allez pas le boire au goulot.
Mon grain de folie pas plus gros qu’un grain de riz : pas vu pas pris.
La reine trouve que ses sujets ont le verbe haut.
L’ouvre-boîte boite cheville tordue : il a dérapé.
La nuit portant conseil se dépêche d’arriver à temps.
La girafe se tord le cou : beau sac de noeuds en perspective.
Qui va là ? j’y vais aussi, partageons un taxi.
La blanchisseuse de nuit et le marchand de sable se croisent à minuit.
Je dors en chien de fusil la bouche en cul de poule.
Pas besoin d’un père vitrier pour me tenir à carreau (je pourrais aussi me tenir à trèfle à quatre feuilles, à cœur d’artichaut ou à pique avec une tête au bout).
*****
Et je sais bien qu’il fait très chaud aujourd’hui, mais prudence, ne vous baignez pas n’importe où
Dans cette ville de Grande Couronne où j’allais hier pour la première fois, on dirait bien que les lampadaires municipaux sont sertis de barbelés, ce qui n’aurait rien de surprenant, les ampoules coûtent si cher de nos jours. A moins qu’il s’agisse d’éléments purement décoratifs ? Je suis perplexe.
Faites comme L’employée aux écritures : tournez la page.
La fin du monde n’a pas eu lieu, vous êtes déçu, ne laissez pas passer l’opportunité offerte par l’an neuf.
Entrez ici vous dépouiller de vos oripeaux du morne quotidien 2012
vous en ressortirez costumés chaussés coiffés fin prêts pour la grande scène 2013.
Confidence : moi j’ai toujours rêvé d’être Eleanor Powell et Fred Astaire. Mais il y a ce cauchemar récurrent :
le régisseur du théâtre me cherche partout en criant on stage, on stage et c’est pour un numéro de claquettes que je ne pourrai jamais exécuter à cause de mes semelles de crêpe et je n’ose pas le dire alors je me cache.
Pour 2013 je nous souhaite donc d’être Eleanor Powell et Fred Astaire.
Le billet récent d’Emmanuel Delabranche sur son très beau site à peine perdu(e) m’y fait penser : à la maison aussi nous avons un de ces cendriers que les entreprises offraient à leurs meilleurs clients et autres relations avec lesquelles il comptait sonnant et trébuchant d’entretenir amitié, à l’époque où l’on faisait encore ses affaires en fumant.
Il y a longtemps : c‘était le travail, écrit bien Emmanuel. Son cendrier vante les Ateliers et Chantiers de la Basse-Seine Lozai, le mien les Houillères du Bassin de Lorraine. C’est dire si, comme je lui avais répondu sur Twitter, ce travail là est bel et bien parti en fumées.
Je ne sais pas si le cendrier de la Basse-Seine sortait d’une faïencerie rouennaise mais celui des Houillères de Lorraine était produit on ne peut plus localement : le travail des uns donnait du travail aux autres.
(Et écrivant ce billet je me souviens du film de Jason Reitman Thank you for smoking : une toute autre mise en équation du travail et de la fumée qui ne manque pas de panache)
Pour “Les Passagers de la nuit” de Thomas Baumgartner sur France Culture, à l’automne 2009 j’avais écrit une fiction brève (quatre fois cinq minutes à deux voix) Couture à domicile. C’était à quatre moments de leurs vies les confidences échangées par une couturière et sa cliente lors de quatre séances d’essayages, sur un quart de siècle (le troisième du vingtième pour être précise).
Depuis, j’ai rebrodé sur le thème, en modifiant les dates et en provoquant l’irruption, en cours de séances, de quelques autres personnages. Il existe ainsi deux autres versions du texte initial, avec plus ou moins de monde et des amplitudes chronologiques élargies ou resserrées.
Aujourd’hui, dans la collection “Ouvrez” des éditions publie.net, paraît en numérique l’une de ces versions sous le titre Couturière. Pour la découvrir et l’acheter – 1,99 euros seulement, avec forcément le format adapté à votre degré de modernité, vous pourrez la lire sur votre ordi relié à une imprimante, sur votre tablette ou sur votre smartphone – c’est très simple. Et chez publie.net, les auteurs à découvrir ne manquent pas…
Vous ne risquez rien à essayer : j’ai enlevé toutes les épingles.
Je regarde le nuancier, mon mari n’est pas là, mais je déciderai toute seule disait hier soir au téléphone ma voisine de l’omnibus Sèvres Rive Gauche de 19h01 (depuis mon retour de vacances, quoi que je fasse, d’où que je vienne, je me retrouve tous les jours dans le train quittant le Montparnasse monde à 19h01) à un artisan qui avait fini de poser toutes les baguettes et cela rendait très bien, oui, elle en était contente même si elle ne le lui avait pas encore dit (et il s’en inquiétait).
Voisine d’âge moyen-mûr – je veux dire plus vieille que moi, mais au fond peut-être pas tant que cela -, à la mise discrète pour ne pas dire soumise, à qui l’on aurait donné le Bon Dieu sans confession. Mais sa détermination à choisir sans attendre le retour d’un mari en déplacement, donc hors de tout processus de concertation, la couleur nouvelle d’un décor partagé avec lui depuis des lustres prenait un tour transgressif qui faisait plaisir à entendre.
On sentait bien qu’elle ne prenait pas tous les jours de son propre chef une décision de cette importance et que l’artisan à l’autre bout du fil sans fil, habitué des longs conciliabules conjugaux au dessus de son nuancier, pouvait s’émouvoir d’une audace pareille. Si le dressing-room champagne ne plaisait pas à Monsieur, est-ce que l’on ne viendrait pas lui en faire reproche à lui qui n’aurait pas su doser le mélange des teintes avant d’y tremper son rouleau ? Plus rosé, le champagne, elle lui avait pourtant bien spécifié champagne rosé. Du moins le prétendrait.
Ecoutant ma voisine dont j’approuvais évidemment la résolution émancipatrice, je songeais que j’ai toujours été sensible aux nuanciers et autres albums d’échantillons de papiers peints ou de tissus, ces épuisements/mises à plat de toutes les valeurs possibles d’une couleur ou d’un motif.
Et je me souviens qu’à l’époque enfuie où l’on pouvait commander gratuitement des échantillons de tissus d’ameublement à la Redoute ou aux 3 Suisses je ne me privais pas de le faire, bien que n’en ayant nul besoin.
Je ne l’ai pas cherchée, je cherchais celle d’Arras, Pas-de-Calais, mais les anciens annuaires sont communiqués sur microfilms à la BnF (cote microfilm 999, communiqué en mezzanine salle X) et la bobine regroupait tous les départements compris dans l’ordre alphabétique de Maine-et-Loire à Yonne. Donc il y avait l’Orne, 61, juste avant le Pas-de-Calais, 62, et défilant à toute vitesse le film pour atteindre le Pas-de-Calais je lâche le bouton du défilement rapide trop tôt et me voilà dans des communes dont les noms me sont familiers.
Alors évidemment passer au défilement lent pour atteindre Céaucé, entre Carrouges et Cercueil (Le), et trouver la toute petite liste des abonnés au téléphone en 1935 à Céaucé (où je naîtrai 20 ans plus tard). Et la recopier : elle est si courte que pas la peine de demander si par hasard il serait possible d’en obtenir une copie et à quelles conditions.
Donc en 1935, vous pouviez appeler, en demandant à l’opératrice le
11 André (Henri), hôtelier, camionneur.
23 Bain-Thouverez, ingénieur, secteur électrique.
5 Bazile (Alexis), minotier, Ambloux.
14 Bordeau (Théodore), Hôtel Lion d’Or.
2 Boullier, hongreur.
13 Coisnon (Frédéric), Hôtel Voyageurs, gare.
12 Guesdon Ruppe, cycles, autos, électricité.
9 Guêtré, pharmacien.
3 Guibout (Raphaël), boucher.
19 Guillet, secrétaire syndicat agricole.
17 Jousse (Fernand), boucher, route de la Gare.
18 Ménage (Placide), mécanicien.
15 Morice (Victor), café Loré.
20 Pautonnier, agriculteur, château Montchauveau.
6 Piel (Paul), courtier en bestiaux.
10 Ray (Fernand), garagiste, route de Domfront.
7 Raymond, docteur en médecine.
4 Roux, docteur-médecin.
22 Taburet-Forêt, beurre et oeufs.
16 Verron (Albert), notaire.
1 Villette, grains.
Les André, Bazile, Coisnon, Guesdon, Guibout, Jousse, Ménage, Pautonnier, Piel, Ray, Dr Raymond et Dr Roux, Taburet, Maître Verron et le marchand de grains Villette, il me semble de toute enfance en avoir entendu parler le temps des vacances passées là-bas, ou même à la ville quand le camionneur André livrait les barriques du cidre production maison. Des autres, un quart de siècle plus tard, au moins chez nous, il n’était plus question (ou alors j’ai oublié).
Ce qui est sûr, c’est que je revois très bien Fernand Ray, sa salopette graisseuse et son mégot, accoté dos au mur près de la porte de son garage, Citroën, signalé par son antique pompe à essence – le garage concurrent, Renault, qui serait tenu plus tard par un Laureille (orthographe non garantie) n’avait pas le téléphone ou n’existait pas encore en 1935.
Ce qu’a fait Louis Dupont pour mériter sa rue, on ne le saura pas. Fait d’armes ? Sage gouvernement de sa commune ? Ingénieuse invention ? Acte de bravoure ? Oeuvre de philanthropie ? Production artistique remarquable en son temps ?
C’est une vieille histoire, la plaque est ancienne, oubliée de plusieurs aggiornamenti signalétiques, plus du tout aux normes – ce qui ne l’empêche pas de rester lisible (quoiqu’écornée) et de remplir son office. Face à elle, je sais où j’en suis de mon tour de pâté de maisons. Mais plus personne parmi les riverains pour se souvenir de son inauguration. Ni si le nom de Louis Dupont s’était imposé sans discussions ou si, au contraire, le conseil municipal avait délibéré longtemps avant qu’une majorité en sa faveur se fasse jour. La concurrence pouvait être encore rude même si Victor Hugo et Jean Jaurès avaient été servis les premiers et avec largesse – on leur avait attribué des avenues non loin de là.
J’essaie de m’informer en recourant à un moteur de recherche, posant à mon tour une question. La requête Louis Dupont connaît 26 900 000 réponses. Embarras du choix, lequel est le mien ? Mieux inspirés, ses parents l’auraient prénommé Théophraste : les Théophraste Dupont ne sont que 113 000, ce qui ne décourage pas aussi radicalement l’envie d’en savoir plus. Louis Dupont, mal armé pour la postérité avec son nom propre si commun, restera un inconnu distingué de mon quartier.