L'employée aux écritures

le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735

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"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux

Montparnasse Monde 41

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Posted by ms on 26 septembre 2009 at 2:40

Dans la gare, au risque de perdre un jour le Nord, je circule sans boussole. Mais mon sens de l’orientation relativement fragile m’oblige à réfléchir, arrêtée au calme, quelques minutes avant de parvenir à situer mes quatre points cardinaux. Ce qui ne se pourrait en aucun cas un vendredi soir quand le flux des partants, qui n’ont plus rien à faire de cette semaine ni de cette ville, me réduirait à boule de flipper cognée d’une valise l’autre, jusqu’à ce que game is over. En période bleue, l’obstacle principal à la position de mes repères réside dans la croyance spontanée mais trompeuse que les rails, billes en tête, pointeraient l’Ouest dès le départ. La superposition mentale d’un plan de Paris sur l’emprise de la gare, pour demander un certain effort, ne laisse aucun doute : les voies partent plein sud et s’ajusteront à leur destination sorties de Paris seulement, la ligne des forts franchie. J’en déduis que me plaçant derrière les butoirs, donc face aux voies, j’ai Brest à main droite, Strasbourg à main gauche, je regarde Marseille et tourne le dos à Lille.

Epigraphie de la gare. ESSANRAPTNOM ERAG  : énigmatique verso des belles lettres de façade*. Je relève l’inscription, en recopiant avec application ses lettres capitales dans mon carnet du moment, noir. Photographie intégrale du texte malaisée : il faudrait se tenir à niveau constant sur un escalator le temps de la saisir. Je ne maîtrise pas cet art acrobatique de l’arrêt sur marche roulante – et voir mes enfants en faire un jeu quand ils en avaient l’âge me rendait anxieuse. Reste à décrypter le subliminal de l’inversion. ESSANRAPTNOM ERAG. Hypothèse audacieuse : le fronton crypterait assez grossièrement un message relatif à une affaire de RAPT et le NOM de la voyageuse qui en savait trop - d’origine scandinave probablement -, enlevée dans la gare, serait ERAG. Une espionne venue du froid capturée dans une nasse, maladroitement retournée en cet ESSAN initial ne servant qu’à noyer le poisson. Je ne suis pas capable de démêler plus avant les fils de cette intrigue. Pas plus que d’imaginer ce que serait le monde entier Montparnasse à l’envers :  il faudrait que je lui tende un miroir.

*Voir Montparnasse Monde 16

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9 Comments

  • On 26 septembre 2009 at 9:29 PhA said

    Comme quoi l’aventure est l’affaire d’un regard !

  • On 26 septembre 2009 at 9:35 ms said

    L’aventure continue mais sans doute pas avec la ponctualité des chemins de fer suisses, plutôt du genre un samedi de temps en temps…

  • On 26 septembre 2009 at 10:01 Virginie Clayssen said

    Surprise toujours en vérifiant la fantaisie débridée de mes propres cartes mentales, certaines très entêtées dans leurs erreurs, refusant de se plier à la réalité du territoire. Ainsi au métro Montparnasse direction Nation, il me semble toujours que le métro part dans le mauvais sens, et que quelqu’un a retourné Paris sans me prévenir.

  • On 26 septembre 2009 at 15:52 PhA said

    J’avais bien remarqué depuis quelques temps des retards inhabituels – ici et dans la “vraie vie” -, avec l’impression que Montparnasse se réglait sur l’Employée aux écritures.
    Nous devons tous avoir à peu près les mêmes cartes intérieures erronées et têtues : il m’a fallu habiter à Boulogne, en faire le tour par les quais pour appréhender enfin le méandre que le chemin de fer contourne par la rive concave.

  • On 26 septembre 2009 at 18:24 PdB said

    Je me dis que la gare de l’Est part au nord; celle d’Austerlitz, à l’est comme celle de Lyon (c’est la Seine je suppose), Saint-Lazare au nord ouest (ancien asile de fous, “il est à l’ouest celui-là” ?) : il n’y a que celle du Nord qui va dans le bon sens, ou la bonne direction (il y a là aussi, du Monopoly, et donc du cheval de fer, du western, celui qui siffle trois fois etc…) : un matin, ainsi, je me suis retrouvé dans une gare nommée Valenton, si je ne m’abuse, à des kilomètres de la civilisation, à marcher le long des voies pour la retrouver. Où se trouve-t-elle ? Dans quelle direction ? Il semblait que ce ne fut pas loin de Paris, quelques heures seulement… Avec ce mode de transport, ces arrêts, ces culs-de-sac, l’humanité n’a pas joué au plus simple… (ici : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Gares.png un joli (?) raccourç (?)i

  • On 27 septembre 2009 at 13:04 ms said

    Merci pour le lien vers la carte PdB, je ne l’avais jamais vue, j’en aurai l’usage : confusions fréquentes entre villes que l’on atteint par les gares du Nord et de l’Est d’une part, d’Austerlitz et de Lyon d’autre part – j’ai failli me tromper plusieurs fois, faute d’avoir lu ce qui était écrit sur mon billet

  • On 29 septembre 2009 at 0:04 PdB said

    Ah oui, elle est bien.. il y en avait une autre (mais je ne la retrouve plus) qui au lieu de mettre des échelles d’espace (paris à 500km de Lyon, 800 de Marseille etc) était faite d’échelle de temps (Paris à deux heures -2 cm- de Lyon, mais 8 de Cahors -8 cm- les exemples c’est un peu n’importe quoi hein) et qui donnait une vision tout à fait différente du réseau… (elle était dans une expo Cartographie, il y a quelques années à la Villette)

  • On 1 octobre 2009 at 8:55 Dominique Hasselmann said

    Je crois vous avoir écrit une fois qu’il y avait sans doute du Garamond dans Montparnasse : vous m’y faites penser car j’ai revu récemment Jérôme Peignot…

    Souvent, quand je vois l’inscription sur la façade de la gare de l’Est, plus proche de chez moi que la vôtre, je pense au vent du même nom ou alors à la “gare de l’Être”, ce qui serait plutôt voltairien – et suprême.

  • On 22 octobre 2009 at 11:00 Pierre-Louis said

    Il y a sûrement un trésor caché dans cette gare “toutanbéton”. :-)

    J’aime bien aussi la gare de sainte ERAZAL…

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