Comme j’avais à lire dans la vieille BN rue de Richelieu, en attendant d’être servie je suis allée voir ce que Sophie Calle, mise en scène par Daniel Buren, a installé dans la salle Labrouste autour de son mail de rupture gentiment conclu « prenez soin de vous » et signé X, goujat patenté. 107 variations sur le texte, écrites, filmées, chantées – tango, fado impossible, rap – etc. par des femmes sollicitées pour leurs talents interprétatifs professionnels à très large spectre. Les appropriations les plus techniciennes m’ont semblé les plus riches, comme celles de la commissaire de police, de la juriste, de la lexicographe, de la psychologue clinicienne, de la comptable, de l’exégète, de la chasseuse de tête ou de la correctrice typographique. Il y a aussi la physicienne Françoise Balibar qui en appelle à la physique des matériaux et à sa mécanique des ruptures fragiles, celles qui ne préviennent pas et font si peur aux constructeurs de ponts (par opposition aux ruptures ductiles) pour décrypter le message. Et l’écriture manuscrite d’Arlette Farge, spécialiste elle des vies fragiles, identifiée sans avoir besoin de lire son étiquette (entre croqueuses d’archives on se reconnaît). J’ai moins goûté les explications de textes de veine littéraire, plus convenues (et je n’ai pas lu celle d’une normalienne que je me garde de lire quelque soit le contexte). Grand plaisir à circuler à nouveau entre ces tables et ces fauteuils qu’on a usés quand tout se passait là : si longtemps lectrice assidue dans cette salle et le souvenir de la petite dame frisée, moitié aimable seulement, qui distribuait les places à l’entrée, côté vert ou côté gris, le gris plus calme que le vert qu’il fallait traverser pour descendre à la salle des catalogues. Un peu dommage que la sonorisation aux voix de fond trop criantes trouble l’écoute des vidéos, parce qu’il y a aussi d’émouvantes, belles et drôles lectures à entendre comme celles de Yolande Moreau, Ariane Ascaride, ou – avec commentaires cinglants – Jeanne Moreau. Exceptionnellement j’ai laissé un mot sur le livre d’or – allusion à une rupture dans un passé antérieur à l’âge du mail – et regretté que l’objet-catalogue coûte 79 euros : partie sans…