L'employée aux écritures

le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735

RSS Feed

"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux

Archives for variétés parisiennes

Tolstoï, de Montparnasse à Vaugirard

Comments Off

Je rentrais de ce déplacement d’une semaine (dont je reparlerai avec quelques images bientôt) et dans mon métro ligne 12 – j’avais pris la 14 jusqu’à Madeleine, échappée de la gare de Lyon dès le milieu du quai par un escalier à hauteur de mon wagon m’évitant la traversée des halls encombrés – à Montparnasse Bienvenüe est montée une vieille dame élégante et bossue à la fois, joliment chignonnée, appuyée sur une canne en bambou.

Vêtue d’hiver encore, veste chamarrée sur longue jupe épaisse et sombre, gants noirs à étonnants revers motifs panthère : la main gauche, gantée, tenant serré le deuxième gant et les anses de trois petits sacs, deux en papier, le troisième en toile, posés sur ses genoux. L’autre main, nue donc, portait haut et droit, bien face à ses yeux, un mince folio à 2 euros. C’était Le réveillon du jeune tsar de Tolstoï, un texte que je ne connais pas.

Elle s’était assise en face de moi et je pensais qu’à ma place Cécile Portier lui aurait certainement demandé l’autorisation de photographier ses mains et Philippe Didion aurait été heureux de ne pas avoir à se contorsionner pour décrypter le titre du livre, généreusement offert à la vue.

Moi, infidèle à ma gare en ce samedi, j’aimais bien que cette lectrice un peu étrange ait surgi du Monde Montparnasse. Elle est descendue quatre stations et quatre pages plus loin, à Vaugirard, quand je continuais jusqu’à Corentin Celton.

 

juil 11, 2009

Des veuves avisées

Comments Off

C’était en rentrant de la Fête de l’Huma dimanche soir, et c’en était d’autant plus incongru qu’on sait bien que la propriété c’est le vol.

Ligne 9, direction Pont de Sèvres (variante de mon itinéraire, passant par Billancourt pour rester dans l’ambiance) sur la portion 16e arrondissement du parcours, dans mon wagon, je voisinais, debout, avec deux femmes, franchement septuagénaires mais il fallait bien regarder pour s’en apercevoir tant leurs mises et apprêts cosmétiques gommaient d’éventuels outrages, assises sur deux strapontins.

D’évidence, deux veuves amies qui rentraient, elles, non pas de La Courneuve mais d’un spectacle parisien donné en matinée, probablement suivi d’une longue station salon de thé avec macarons de qualité. Petits plaisirs du dimanche que leur permettaient des pensions de réversion qu’on imaginait confortables.

Entre Franklin D. Roosevelt, où elles étaient montées ensemble, et Ranelagh puis Jasmin où elles sont successivement descendues, elles n’ont pas cessé d’échanger, suffisamment fort pour que j’en profite, les propos les plus ahurissants et décomplexés sur la transmission des patrimoines aux enfants – patrimoines qui, dans leur cas comportaient au moins un appartement dans le 16e et une – voire plusieurs – résidence secondaire.

Leitmotiv : même sous prétexte de réduire son impôt sur la fortune, ne surtout pas faire n’importe quoi. Donc, malgré les conditions apparemment avantageuses, y aller mollo avec les donations anticipées aux enfants. Parce qu’on ne sait jamais : que les fils meurent prématurément et on se retrouve avec des belles-filles qui font la noce – pouvant même aller jusqu’à se remarier -, et dilapident gaiement votre bien sous vos yeux… Elles n’avaient que des fils, ou bien avaient intériorisé à ce point la loi salique que leurs filles comptaient pour du beurre.

Pas question de lâcher le magot maintenant, et ce d’autant moins qu’elles avaient encore 30 ans d’espérance de vie devant elles – elles disaient cela aussi – et donc tout le temps d’en jouir herselves de leurs fortunes et pas l’intention de s’en priver…

Additif : me suis souvenue dans la journée que comme historienne, j’avais été invitée à conclure un colloque sur le thème “Veufs, veuves et veuvage dans la France d’Ancien Régime” à Poitiers en 1998, dont les actes ont été publiés chez Champion (mais sans ma conclusion, jamais écrite)

 

sept 16, 2008

Femme rompue par mail

Comments Off

Comme j’avais à lire dans la vieille BN rue de Richelieu, en attendant d’être servie je suis allée voir ce que Sophie Calle, mise en scène par Daniel Buren, a installé dans la salle Labrouste autour de son mail de rupture gentiment conclu « prenez soin de vous » et signé X, goujat patenté. 107 variations sur le texte, écrites, filmées, chantées – tango, fado impossible, rap – etc. par des femmes sollicitées pour leurs talents interprétatifs professionnels à très large spectre. Les appropriations les plus techniciennes m’ont semblé les plus riches, comme celles de la commissaire de police, de la juriste, de la lexicographe, de la psychologue clinicienne, de la comptable, de l’exégète, de la chasseuse de tête ou de la correctrice typographique. Il y a aussi la physicienne Françoise Balibar qui en appelle à la physique des matériaux et à sa mécanique des ruptures fragiles, celles qui ne préviennent pas et font si peur aux constructeurs de ponts (par opposition aux ruptures ductiles) pour décrypter le message. Et l’écriture manuscrite d’Arlette Farge, spécialiste elle des vies fragiles, identifiée sans avoir besoin de lire son étiquette (entre croqueuses d’archives on se reconnaît). J’ai moins goûté les explications de textes de veine littéraire, plus convenues (et je n’ai pas lu celle d’une normalienne que je me garde de lire quelque soit le contexte). Grand plaisir à circuler à nouveau entre ces tables et ces fauteuils qu’on a usés quand tout se passait là : si longtemps lectrice assidue dans cette salle et le souvenir de la petite dame frisée, moitié aimable seulement, qui distribuait les places à l’entrée, côté vert ou côté gris, le gris plus calme que le vert qu’il fallait traverser pour descendre à la salle des catalogues. Un peu dommage que la sonorisation aux voix de fond trop criantes trouble l’écoute des vidéos, parce qu’il y a aussi d’émouvantes,  belles et drôles lectures à entendre comme celles de Yolande Moreau, Ariane Ascaride, ou – avec commentaires cinglants – Jeanne Moreau. Exceptionnellement j’ai laissé un mot sur le livre d’or – allusion à une rupture dans un passé antérieur à l’âge du mail – et regretté que l’objet-catalogue coûte 79 euros : partie sans… 

avr 17, 2008

Rubriques du blog

Recherche

Archives du blog depuis avril 2008

Sur Twitter

tous textes et photos copyright Martine Sonnet, sauf mention spéciale
var _gaq = _gaq || []; _gaq.push(['_setAccount', 'UA-25117361-1']); _gaq.push(['_trackPageview']); (function() { var ga = document.createElement('script'); ga.type = 'text/javascript'; ga.async = true; ga.src = ('https:' == document.location.protocol ? 'https://ssl' : 'http://www') + '.google-analytics.com/ga.js'; var s = document.getElementsByTagName('script')[0]; s.parentNode.insertBefore(ga, s); })();