Je rentrais de ce déplacement d’une semaine (dont je reparlerai avec quelques images bientôt) et dans mon métro ligne 12 – j’avais pris la 14 jusqu’à Madeleine, échappée de la gare de Lyon dès le milieu du quai par un escalier à hauteur de mon wagon m’évitant la traversée des halls encombrés – à Montparnasse Bienvenüe est montée une vieille dame élégante et bossue à la fois, joliment chignonnée, appuyée sur une canne en bambou.
Vêtue d’hiver encore, veste chamarrée sur longue jupe épaisse et sombre, gants noirs à étonnants revers motifs panthère : la main gauche, gantée, tenant serré le deuxième gant et les anses de trois petits sacs, deux en papier, le troisième en toile, posés sur ses genoux. L’autre main, nue donc, portait haut et droit, bien face à ses yeux, un mince folio à 2 euros. C’était Le réveillon du jeune tsar de Tolstoï, un texte que je ne connais pas.
Elle s’était assise en face de moi et je pensais qu’à ma place Cécile Portier lui aurait certainement demandé l’autorisation de photographier ses mains et Philippe Didion aurait été heureux de ne pas avoir à se contorsionner pour décrypter le titre du livre, généreusement offert à la vue.
Moi, infidèle à ma gare en ce samedi, j’aimais bien que cette lectrice un peu étrange ait surgi du Monde Montparnasse. Elle est descendue quatre stations et quatre pages plus loin, à Vaugirard, quand je continuais jusqu’à Corentin Celton.