L'employée aux écritures

le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735

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"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux

“24 City” élévation sur décombres d’usine

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Posted by ms on 24 mars 2009 at 19:21

Une semaine tout rond que j’étais tenaillée par l’envie de voir 24 City, parce que j’avais lu ce qu’en disait Le Monde mardi dernier au soir, veille de sa sortie, et que c’était prometteur. 24 (entendre Twenty-Four) City, film de Jia-Zhang-Ke, un cinéaste chinois dont je n’avais rien vu encore, malgré tout le bien entendu à propos de son film précédent, Still Life.

Maintenant que je l’ai vu une première fois qui ne restera pas longtemps la seule (je crois bien qu’au temps du cinéma permanent j’aurais enchaîné deux visions), je ne saurais trop conseiller de courir le voir toutes affaires cessantes. Et pas seulement parce que dans l’usine 420 qu’on abat dans la ville de Chengdu, au centre de la Chine, il y avait, nous disent les ouvriers, un atelier 61 et un atelier 63 – ce qui serait pourtant une raison presque suffisante pour m’émouvoir.

Mais parce que les voix, les visages et les archives brutes en gros plan qui racontent ce qu’on fabriquait là, dans cette usine-ville vers laquelle on avait de longtemps afflué de campagnes lointaines, comme les images de la dévastation des lieux, pour y édifier des résidences de luxe, on les a lus/vus/entendus à Billancourt, autour de l’atelier 62, comme sur le parking de Daewoo à Fameck. 

Des univers en étroite et étonnante résonance, du plus symbolique – les lettres de l’enseigne au fronton qu’on arrache ou les bulldozers qui arasent, des Daewoo justement – au plus infime. Parfaite concordance des lieux, des gestes, des souffrances dites, celles du travail et celles des vies déracinées toutes entières dévolues à l’usine, dans des contextes géopolitiques éloignés mais au bout du compte, à quelques décennies près, réduits par les mêmes lois du capital.

Grand trouble ressenti aussi devant la proximité de nos regards et de notre écoute, que notre empathie soit portée par l’écriture ou par l’image. Des images magnifiques de bout en bout, jusqu’au plan panoramique final sur la ville et ce qu’elle est devenue, son gigantisme que l’on découvre seulement quand il ne reste rien de l’usine et que génération après génération les ouvriers qui l’ont faite se sont tus et éclipsés du tableau.

(Et pour prolonger, parce que j’y ai pensé en voyant le film, ce lien – vers le Japon cette fois – pour explorer de troublants vestiges d’industrie, superbement photographiés, merci à ses découvreurs)

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4 Comments

  • On 25 mars 2009 at 22:29 gilda said

    Amusant, je relisais ces jours-ci dans mes anciens carnets de jeunesse une après-midi passée au ciné : en retard pour une séance, nous étions sagement restés jusqu’au même point de la suivante, histoire de piger ce qui nous manquait.

    Tu donnes envie de voir ce film.

  • On 27 mars 2009 at 2:14 jérôme said

    le jour de la grève du 19 mars, après la manif de paris, je suis allé voir ce magnifique film. Sujet tellement primordial à mes yeux face une mémoire qui disparait. Zhang Ké filme magnifiquement les ouvriers et ce lieu qui se fait aspirer par la ville. Il ne reste plus qu’une parole vagabonde qui passe d’ouvriers aux acteurs sans que le spectateur se rendre compte. La mémoire circule comme cette adolescente patinant en rond sur fond d’une musique pop et il ne reste plus que le spectateur à la faire circuler.

    Je vous conseille, si vous ne l’avez pas vu, A l’Ouest Des rails de Wang bing. Documentaire de plus 8h sur une région industrielle de Chine qui disparait sous les yeux du cinéaste : De la fermeture des usines jusqu’à la destruction de celles là et de la cité ouvrière. Magnifique.

    Jérôme, petit fils d’ouvrier de l’usine Seguin

  • On 27 mars 2009 at 9:10 ms said

    Jérôme, merci d’abonder en mon sens à propos de ce film et pour A l’Ouest des rails, je sais bien qu’il faut absolument que je le voie… en trouver l’occasion et le temps

  • On 28 mars 2009 at 18:51 mariedom said

    .. dans la même lignée …. “A l’ouest des rails” un film en 4 parties de Wang bing (9 heures de projection)

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